LA REVUE FEMINA     de  1913 à  1914

Pour les années de 1911 à 1913, cliquez : ici

Magazine français créé par Pierre Lafitte, la revue Femina est incontestablement le support de référence de la mode à Paris au début du 20e siècle, au moment de l'arrivée du tango. Les articles ci-dessous ont été sélectionnés par l'auteur, Dominique Lescarret, qui possède l'intégralité des numéros des années d'avant la guerre de 14-18 dans sa collection.

Ces articles sont particulièrement intéressants, tant par les renseignements donnés sur le tango lui-même, que par ceux évoquant les danses co-existantes à Paris, à la même époque, et dans lesquelles le tango, par l'intermédiaire des Maîtres de Danse, allait puiser des figures et possibilités nouvelles, ainsi que le style qui allait le rendre acceptable aux yeux du Monde, en général, et de la bourgeoisie Argentine en particulier.

Une remarque préalable : certaines illustrations, pour des raisons de mise en page, ne sont par forcément issues du numéro concerné, mais plutôt d'autres numéros des quatre années concernées (robes, coiffures, etc...)

Avertissement pour cette page : cliquez sur les imagettes des pages du journal pour visualiser les agrandissements ; les textes originaux sont en blanc, les commentaires sont en ocre.

Femina du 15 juillet 1913 :    La " Tangomania "

Texte des illustrations des images ci-contre

      (cliquez dessus pour les voir en plus grand) :

En haut à gauche " Madame est à sa coiffeuse, sans songer à mal, lorsque, subitement, à propos de rien, et comme une idée fixe, une inquiétude lui vient à l'esprit. Après tel pas, comment tourne-t-on ? Et, devant la soubrette ahurie, la voici qui tangue, tangue, tangue..."

En haut à droite " Dans le fauteuil confortable, serviette au col, Monsieur s'est installé lorsque - "l'artiste" a-t-il fredonné quelque air évocateur - le voici qui, mû par une force supérieure, arrête brusquement le rasoir pour glisser alternativement sur le pied droit et sur le pied gauche."

En bas à gauche " Dans les couloirs du théâtre à la mode, obsédés par un air qu'ils viennent d'entendre à l'orchestre et qui rappelle celui que l'on devine, les deux tangomanes n'y tiennent plus et se livrent à leur danse favorite."

En bas à droite " La course régulière du train est rythmée par un bruit monotone et berceur, et pour alléger des jambes ankylosées, les deux jeunes gens, sur cette molle cadence, esquissent un tango qui laisse la miss, du coin gauche, quelque peu ébahie. "

L'article sur la tangomania :

Si le Tango ne différait des autres divertissements chorégraphiques que par un ensemble plus ou moins compliqué de « pas marchés », de « pas glissés », « pliés ou croisés », de « pas en carré » ou « en cercle », l’observateur ni le moraliste n’auraient à s’en préoccuper. Ce n’est pas la première danse à laquelle la mode et le goût appliquent cette sorte de frénésie, et qui, pareille à la danseuse elle-même, la danseuse antique, est dansée, plait toute une saison, et passe ; sans laisser derrière elle qu’un souvenir charmant et léger… Ce qui est particulier au tango, et ce qui, ayons le courage de le dire, apparaît de nature à causer, à son sujet, quelque légitime inquiétude, c’est son caractère obsédant. Obsédant, entendons-nous bien, obsédant non pas seulement parce que tout le monde en parle, parce qu’on ne peut ouvrir un journal, feuilleter une revue, sans y trouver des considérations techniques, des aperçus moraux, des échos mondains, le concernant, avec l’opinion de toutes les personnalités, autorisées ou non, les plus considérables…

Chacun a son avis sur le tango, ou quand il n’en a pas, il feint d’en avoir, car une telle indifférence ou une telle ignorance suffirait à disqualifier l’homme aussi audacieux ou aussi négligent pour avouer que le tango, en l’an de grâce 1913, n’est pas l’objet ordinaire et constant de ses spéculations quotidiennes… Mais à côté des gens qui en parlent, il y a des gens qui le dansent, ou qui aspirent à le danser, et c’est pour ceux-là que l’obsession se manifeste singulièrement grave, et quasi morbide. C’est ce genre d’obsession, dont sont brusquement atteints les danseurs de tango, que l’observateur a le devoir d’enregistrer, et contre laquelle il n’est sans doute pas inutile que le moraliste vous mette en garde. Jeune homme inconséquent, jeune femme imprudente, songez qu’à partir du moment où vous aurez fait le premier des six pas marchés, par quoi la théorie nous enseigne que le tango commence, à partir de ce moment, votre esprit n’aura plus qu’une pensée, danser le tango, et les différentes évolutions du tango s’imposeront à vos membres assouplis comme autant de mouvements réflexes…

Voilà ce que l’on ne sait pas encore assez, lorsqu’on se met à l’étude du tango, pour passe-temps simplement et pour faire comme tout le monde… Cela débute, le plus souvent, en toute innocence, quelque maîtresse de maison, à l’initiative engageante vous aura convié gentiment : - J’organise chez moi, tous les jeudis, un cours de tango pour les intimes ; j’ai découvert un professeur excellent, un véritable Argentin doublé d’un véritable homme du monde ; je compte sur vous, d’ailleurs vous ne serez pas forcé de danser ; simple prétexte à se réunir, on est entre soi, c’est très amusant… Jeune femme imprudente, jeune homme inconséquent, si vous mettez, jeudi prochain, les pieds dans le salon de cette amie trop obligeante, si vous prenez contact avec le professeur argentin et homme du monde, vous êtes perdus, c’en est fait de votre tranquillité de tous les instants. Il suffira d’une phrase insidieuse. - Essayez donc un peu, vous aussi, qu’est-ce que vous risquez ? Et l’homme du monde argentin insistera : - Je suis sûr Madame, ou que Monsieur, doit avoir des dispositions merveilleuses… nous autres Argentins, nous voyons cela au premier coup d’œil… Parce que vous êtes flatté, ou que vous ne voulez pas être ridicule, vous « essayez », et, maintenant, vous en avez pour la vie !... Vous rappelez-vous la petite fille aux souliers rouges, du conte d’Andersen, la petite Karen qui, vainement, demande grâce, condamnée à danser toujours avec les petits souliers rouges, des souliers de bal, qu’elle avait voulu chausser pour aller à l’église : - « Danse, Karen, danse encore et toujours jusqu’au jugement dernier !... »

Ce qu’il y a de terrible, avec le tango, c’est que, désormais, pour être emporté par l’invincible désir d’en esquisser les pas, il ne sera même pas nécessaire que vous ayez des souliers rouges. Cela vous prendra à tout bout de champ, à propos de rien et de tout, chez vous, au théâtre, dans la rue, d’abord une impatience dans les jambes, un besoin impérieux d’étendre et d’arrondir les bras : - Ceci, voyons, ceci, comment fait-il donc le professeur argentin ?... Un, deux, trois, quatre… Un, deux, trois, quatre… Certaines obsessions professionnelles ont déjà pu être constatées chez des escrimeurs, par exemple, ou chez des pianistes : l’escrimeur dont le poignet s’entraîne constamment à « rouler des contres », le pianiste aux doigts perpétuellement agités pour des gammes et sur un clavier imaginaire… Mais ces manies, malgré tout, demeurent discrètes, les gammes ni les « contres » ne nécessitent un déplacement de tout le corps , comme le tango, ni surtout le brusque appel à la collaboration d’un partenaire improvisé… Car c’est bien cela le plus grave : pour danser le tango, il faut être deux, et quand le « tangomane », poursuivant son idée fixe, voudra, à tout prix, réaliser une figure qu’il ne peut jamais arriver à réussir complètement : - Voyons, comme ceci, pourtant, c’est bien comme ceci ?... - Pour faciliter la démonstration, la première personne lui sera bonne, qui, à la lettre, lui tombera alors sous la main : - Mais non, tournez le corps du côté opposé au mouvement des pieds : je mets mes pieds comme ceci, et vous tournez comme cela… Et l’on verra la femme de chambre interrompue soudain par sa maîtresse qu’elle est en train de chausser, on verra le « client » arrêter brusquement le rasoir du coiffeur : - Attendez !… là, j’avance le pied droit derrière le pied gauche… Attention ! vous, c’est le pied gauche derrière le pied droit…

Évidemment, cet élan d’aimable familiarité pourra parfois présenter l’heureux résultat d’adoucir les relations et les mœurs, de rendre moins âpre la lutte des classes, principalement, comme vous voyez, entre domestiques et patrons. Mais dans combien de cas ne sera-t-il pas compris, dans combien de cas ne produira-t-il pas, au contraire, une espèce d’inquiétude effarée, chez des personnes qui pourront n’être, au demeurant, qu’insuffisamment prévenues… Supposez que vous êtes seul dans un compartiment de chemin de fer avec un monsieur ou une dame, et que ce monsieur ou cette dame, incapable de résister au rythme du train en marche, se dresse tout à coup et veut vous contraindre à vous lever et à répéter un petit tango improvisé ? Le « tangomane » a ceci de particulier et de redoutable, en effet, c’est qu’il se présente comme vous et moi, qu’il n’a l’air de rien, ou qu’il a l’air de penser à autre chose – et qu’en réalité, il ne pense qu’à ça… Heureuses les petites marionnettes qui, ayant fait leurs trois petits tours, s’en vont, - ont licence de s’en aller, sans tourner, à leurs affaires… Les danseurs de tango, quand ils ont accompli leurs marches et contre-marches, s’en vont bien aussi, mais c’est toujours avec la hantise du même « pas marché, plié, ou croisé »… « Croiser les jambes », pour le commun des mortels, mouvement de béate nonchalance, on croise les jambes quand on s’allonge, après la promenade, dans un fauteuil confortable, pour se reposer : le « tangomane », lui, n’a pas plutôt croisé les jambes, qu’une force supérieure le pousse hors du fauteuil, prêt à pivoter alternativement sur le pied droit et sur le pied gauche…

Jamais de repos : « Danse, Karen, danse encore et toujours jusqu’au jugement dernier !... N’est-ce pas effroyable ? Il y a des gens qui s’astreignent à faire de la gymnastique suédoise, ils en font pendant dix minutes, vingt minutes, matin et soir : mais, dans l’intervalle, tous les gestes de l’existence ne se décomposent pas devant leurs yeux et leur imagination, en des mouvements de gymnastique suédoise. Tandis que tout est tango, tout se transforme instantanément, inéluctablement, en une figure de tango, pour le tangomane. On a vu des danseurs de tango envier l’autorité avec laquelle le frotteur fait ses « glissés », et la souple aisance des serveurs des wagons-restaurants qui excellent dans les « balancés », tantôt en avant ou en arrière, suivant la vitesse du train… Il est évident que, dans ces conditions, il ne s’agit plus, avec le tango, d’un divertissement passager et de quelques instants ; c’est toute la vie du danseur de tango vouée dorénavant au tango, son corps et son esprit entièrement accaparés par le tango, par-delà même le jour où l’on ne dansera plus le tango. Car c’est une chose invraisemblable assurément, mais que, tout de même, il faut bien prévoir, un jour viendra sans doute où une génération nouvelle apprendra quelque nouvelle danse qui ne sera pas le tango. Mais à la différence des valseurs de jadis, ou des champions de la Rédowa, le danseur de tango sera incapable de secouer jamais l’emprise de la danse à laquelle il s’était consacré en 1913, incapable d’assouplir son esprit et ses membres à une autre étude, à d’autres mouvements : je vous l’ai dit, la tangomanie apparaît avec tous les caractères essentiels d’une maladie douce, certes, mais incurable.

Et c’est ainsi qu’aux alentours de 1940, on citera le cas singulier d’un certain nombre de délicieuses jeunes femmes – celles qui ont actuellement vingt-cinq ans, et qui, alors, commenceront à en avoir vingt-neuf – et l’on dira d’elles : - Tout à fait charmante, Mme Unetelle ; mais avez-vous remarqué sa façon de marcher ? Et comme elle glisse drôlement, à chaque instant, et comme elle pivote… C’est comme, à d’autres moments, on est là bien tranquille avec elle, tout à coup, on ne sait ce qui lui prend, la voilà qui vous empoigne et qui entraîne en avant, et qui vous ramène en arrière… naturellement, on ne veut pas la contrarier, elle est si charmante… tout à fait charmante, mais un peu bizarre… C’est alors qu’un érudit prononcera, en baissant légèrement et mystérieusement la voix : - Le tango… Et comme personne n’y comprendra goutte, l’érudit expliquera : - Oui le « tango » ou « San go », c’est-à-dire « Saint-Gui », en argentin…          Franc-Nohain

La légende des dessins de gauche : " Le "tangomane" n'essaie pas seulement de satisfaire partout où il le peut son innocente manie, mais chez lui tout mouvement, tout geste, se transforme inexorablement en figure de Tango. Ici, madame envie l'autorité avec laquelle le frotteur qui pense, certes, à toute autre chose, fait ses glissés, tandis qu'en bas, Monsieur admire la souple aisance des "balancés" de la soubrette ingénue.

On peut remarquer, outre le fait que la " tangomania " existe toujours aujourd'hui, que la description de la danse a changé. On parle ici de six pas marchés pour commencer le tango, et les notions de "glissés" et "balancés" ont pris plus d'importance.

Femina du 13 aout 1913 :

Mlle Lili Boulanger, prix de Rome

On sait avec quel éclat, une jeune musicienne, Mlle Lili Boulanger vient de remporter le Prix de Rome. C’est la première fois, depuis la fondation, qu’une femme obtient cette haute récompense, que les compositeurs se disputent âprement, chaque année. Mlle Lili Boulanger a provoqué ainsi une sorte de petite révolution artistique. Cette jeune fille, au prénom puérilement charmant, douce, svelte et d’une exquise distinction de sentiments et de manières, a peut-être plus fait pour le féminisme en France que les plus redoutables suffragettes d’Outre-Manche…

 … Il y a trois ans, j’improvisais au piano, je ne sais plus quoi, lorsque Raoul Pugno vint nous faire visite. Du salon où il était, le grand virtuose pianiste écouta, non sans surprise, les accords qui venaient de ma chambre. Le lendemain, Pugno, rencontrant ma sœur Nadia, la félicita : - Mais c’est Lili qui jouait, répliqua Nadia. « Et voici un Pugno transformé. Il se précipite à la maison et, avec une fureur que donne l’amitié, me reproche de ne pas entreprendre de sérieuses études musicales. « J’ai suivi son conseil. Sous la direction de mes maîtres, Paul Vidal et Caussade, et aussi sous celle, affectueuse et persuasive, de ma sœur Nadia, je commençais à travailler ardemment…

Et… et voilà ! « Je dois ajouter que mon père était un compositeur des plus estimés. En 1835, il obtint, lui aussi, le grand Prix de Rome et, chose curieuse, il avait alors dix-neuf ans, exactement le même âge que moi, aujourd’hui… »

Lili Boulanger devait mourir peu de temps après, à vingt-quatre ans, et de ce jour, sa sœur Nadia décida de ne plus composer et de se consacrer à l’enseignement.

Nul n'ignore l'importance qu'eurent l'enseignement et les conseils de Nadia Boulanger sur la carrière d'Astor Piazolla. Sans la courte vie de cette jeune sœur, certaines des plus belles compositions de tango, n'auraient sans doute jamais existé !

Un mariage en robe

Notre charmante collaboratrice, Mlle Hélène Miropolsky, avocat à la cour, a prêté, il y a quelques jours, un nouveau serment devant un tribunal plus débonnaire que ceux devant lesquels elle a coutume de se présenter, mais qui n'en a pas moins son importance : c'est celui que préside Monsieur le Maire. Mlle Miropolsky vient, en effet, de se marier avec Monsieur Raymond Strauss, son collègue à la cour.

Deux questions peuvent venir immédiatement à l'esprit : pourquoi l'honneur d'une pleine page de Femina pour ce mariage ? Et pourquoi la présence de cet évènement dans ces pages ?

En fait Mlle Miropolsky a été la première femme de France avocate et ayant plaidé pour la première fois, aux assises, le 25 septembre 1908.

Elle apparait ici, car, dans le déchaînement d'opinion que suscitèrent les "danses nouvelles" et en particulier le Tango, elle fut une des rares a tenir des propos de bon sens et mesurés

"... tout est dans la manière de danser, et tout dépend de l'âme des danseurs..."

Quelques autres commentaires d'elle-même et des personnages de l'époque : cliquez

Femina du 1er décembre 1913 :

L'enfant prédestiné    de Miguel Zamacoïs

Malgré le nom de l'auteur, à consonance Sud-Américaine, Miguel Zamacoïs, romancier, poète et journaliste, celui-ci est bien Français et n'a, sans doute, jamais quitté l'Hexagone. sa vision de l'Argentine est assez amusante, confondant le monde des Gauchos avec celui des trappeurs canadiens ! Par contre, son analyse de la Tangomania est assez pertinente lorsque son poème souligne le fait, que n'importe qui, pourvu qu'il soit Argentin, se doit d'être en France, professeur de tango. Le phénomène est encore d'actualité.

« De cette époque cabotine

Flattons, dis-je, le vertigo ;

J’ai la bonne marque argentine,

Soyons professeur de tango ! »

On remarquera aussi que dans la description de la danse le terme "chaloupée" intervient, comme dans d'autres écrits de l'époque. Nous en reparlerons à la page "Origines du mot tango", nom pas au pur sens étymologique, mais dans le cadre de l'acceptation du mot. Autre remarque d'importance concernant le statut de "professeur de tango" : celui-ci est associé au succès auprès des femmes, au prestige et à l'argent qui tous y étaient attachés à l'époque. Les temps ont-ils vraiment changé, et la tangomania ne ferait-elle pas encore courir ses aficionados ... ?

 

Dans tout Paris on se m’arrache !

De la vierge à la virago

Chacune de moi s’amourache :

Je suis professeur de tango !

 

Les grands seigneurs les plus illustres

Font de moi leur alter ego…

Je triomphe sous tous les lustres !

Je suis professeur de tango !

 

Longtemps d’avance il faut s’inscrire !

Les réceptions font fiasco

Quand on ne peut pas m’y produire !

Je suis professeur de tango !

 

 

Il suffit de la simple phrase :

« Venez !... Nous aurons Umberto ! »

Pour qu’on s’y presse et qu’on s’écrase !

Je suis professeur de tango !

 

Ce n’est pas tout ! Je vous annonce

Mon richissime conjugo,

Qui sera béni par le Nonce !

Je suis professeur de tango !

 

Ce n’est pas tout ! Oyez encore !

Il est question tout de go

Qu’au jour de l’an on me décore :

Je suis professeur de tango ! »

 

Pour lire le texte intégral de ce "poème" : cliquez ici

Et pour finir l'année 1913 : quelques belles images de mode  

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Quelques couvertures Femina de l'année 1913  

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Sur la dernière de ces couvertures, figure une des danses à la mode de l'époque, mais ce n'est pas le Tango, mais la " Très Moutarde " , "Too much mustard" de Cecil Macklin, et qui se dansait façon One step ou Two step. Une version "fox-trot tango" a été enregistrée par Roberto Firpo...

Quelques jolies coiffures et chapeaux de l'époque  

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Année 1914

Femina du 1er janvier 1914 :     ...  et revoilà la Maxixe

Une nouvelle vision de la "Vie de Paris " La Maxixe pendant le souper

Voici qui va prendre rang dans la chorégraphie moderne une nouvelle danse dont la notoriété semble vouloir déjà faire pâlir la gloire du « tango » : je veux parler de la Maxixe brésilienne. Il est à peu près certain que nous verrons cet hiver la maxixe dans nos salons, entre le tango et la danse de l’ours. Il est même à prévoir que cette danse charmante, dont toutes les attitudes sont infiniment gracieuses, ne se heurtera pas aux préventions contre lesquelles le tango eut à lutter et lutte encore. Je ne crois pas que la maxixe puisse inspirer la moindre inquiétude aux personnes les plus timorées.

Bien que d’origine exotique, comme le tango, le caractère de la maxixe est essentiellement différent. Alors que le tango est une danse d’intention volontairement lente, un peu figée, la maxixe est une danse de mouvement, beaucoup plus gaie de rythme et dont les attitudes sont infiniment variées. Dans le tango, la position du couple est toujours la même, ou si elle diffère insensiblement c’est pour les besoins de quelques figures. Tandis qu’au contraire avec un nombre de figures relativement plus restreint, la maxixe présente pour un même pas une charmante variété d’attitudes. Il est même assez singulier de constater que ces deux danses, aussi profondément différentes de caractère, obtiennent en même temps la faveur du public. Peut-être fait-il voir là-dedans une manifestation du succès des musiques argentine et brésilienne au rythme neuf, si étrange en leur obsédant développement.

La musique de la maxixe brésilienne est d’ailleurs une musique d’une indiscutable valeur et d’un rythme extrêmement rare et prenant. Il est certaines maxixes brésiliennes, de pure origine, qui sont de vieux airs populaires de là-bas et qu’on peut qualifier de chef-d’œuvre rythmiques. Il y a dans cette musique tout le même charme que dans la plastique des attitudes. La mesure en est tourmentée, syncopée comme dans les musiques anglaises et américaines. La musique de la maxixe brésilienne est en effet très semblable comme caractère à la musique du tango à tel point qu’il est possible de danser le tango sur certaines maxixes brésiliennes qu’on a baptisées tango-maxixe. Bien entendu, le rythme en est beaucoup plus rapide et il faut avoir acquis une certaine maîtrise pour suivre fidèlement la mesure de ces musiques en dansant le tango.

On remarquera que le rythme de la Maxixe tel qu'exposé sur la partition ci-dessous (cliquez pour agrandir) est le même que celui du Tango où de la Habanera, aux deux monnayages près de la croche pointée, les plus courants, en double croche - croche, ou en croche - double croche, formules que l'on retrouve dans les polkas et mazurkas. Cliquez sur la partition, pour un agrandissement.

La maxixe est une danse mouvementée et gaie, par opposition au tango qui est une danse lente, triste, retenue. Rien n’est plus simple que la sèche technique des figures de la maxixe brésilienne, le pas essentiel est un pas de polka allongé et très glissé. Mais c’est malgré cela, une danse extrêmement délicate à interpréter. Avec des qualités naturelles de souplesse, elle réclame beaucoup d’élégance et quelque peu de grâce. Moins encore que le « tango », la maxixe supporte une médiocrité d’exécution, puisque tout le corps doit prendre part au rythme. Autre que la position des mains doit-être souple et gracieuse, sans recherche excessive ni contorsions, le buste doit se plier harmonieusement et suivre de très près la mesure, ce qui n’est pas si facile qu’on pourrait le croire. En effet, si la mesure de la maxixe est très nette, très caractéristique, l’obligation qu’on a de lier ces pas de polka et de les glisser en penchant alternativement le buste à droite et à gauche rend la tâche assez difficile.

Voici d’ailleurs avant la technique des pas, les différentes attitudes de cette danse. Le couple se tient d’abord dans la même position que pour la valse ; puis le cavalier passe sa main droite derrière la taille de sa danseuse pour aller prendre la main droite de celle-ci, tandis que sa main gauche s’arrondissant sur sa tête doit rejoindre la main gauche de la danseuse. Dans la troisième position, l’homme et la femme se trouvent côte à côte, la main droite du cavalier passée derrière la taille de la cavalière pour aller prendre la main droite de celle-ci ; main gauche dans main gauche. Dans la quatrième position les deux bras de la cavalière se rejoignent en anse de corbeille et les deux bras du cavalier font le même mouvement en tenant les mains de la femme. Placés l’un derrière l’autre, la femme ayant les deux mains sur les hanches est tenue à la taille par les deux mains de l’homme.

Autre remarque intéressante, même si le croquis des pas est inversé par rapport au dessin et au sens de la marche, on voit ici figurer les deux pas caractéristiques du two-step exécutés en position déboité, ce qui n'est pas sans analogie avec le tango.

Voici la description technique de la maxixe brésilienne : tous ces pas se font à la suite, sans un temps d’arrêt et liés.

PREMIÉRE FIGURE    :   Le cavalier, tenant sa cavalière comme dans le « tango », part du pied droite en avant, chasse le droit avec le gauche et repart du gauche en avant, chasse le gauche avec le droit et ainsi de suite ; la cavalière fait les mêmes pas en reculant.

DEUXIÈME FIGURE...    pour la suite de la description :  cliquez

Femina du 1er février 1914 :

 

Un couple charmant :

Mlle Eve Lavallière et Spinelly dans une scène du "Tango"

Ce groupe exquis, d'une grâce si tendrement juvénile, représente, au troisième acte du " Tango ", la jolie pièce de Mr et Mme Jean Richepin, Mlles Eve Lavallière (à gauche) et Spinelly. Le jeune prince et la jeune princesse de Lusignan interrompent leur matinale séance de "culture physique" pour demander à Molière une leçon de philosophie et de bonne entente.

S'il n'y a pas, dans Femina, d'autres illustrations marquantes concernant la pièce de Jean Richepin, celle-ci tient néanmoins l'affiche depuis décembre 1913. Andrée Spinelly (à droite) est parfois connue sous son vrai nom : Élisa Fournier.

Cliquez sur l'imagette pour l'agrandir

Femina du 1er mars 1914 :

La Furlana

Cette danse Vénitienne, ou plutôt ce "divertissement", dont l'origine est très ancienne, et qui, parait-il se réclame d'un haut patronage, prendra-t-elle dans les salons de la société élégante, la place qu'occupait récemment le Tango ? En matière de mode, il est bien difficile de se prononcer. Nos lectrices trouveront en tout cas, pages 122 et 123, la musique de la Furlana.   On a pu voir, en première page de ce numéro, un pas de la Furlana, interprété par un artiste de talent. En voici, maintenant, un autre pas, exécuté par une autre artiste, Mlle Aïda Boni, étoile des ballets de l'Opéra. Mlle Aïda Boni nous présente la vieille danse vénitienne sur les rites souples et pittoresques du maestro Barthelemy, avec cette grâce pure et cette science des attitudes qui l'ont fait tant de fois applaudir sur notre grande scène nationale...

Nota : La Furlana fut également surnommée la "Danse du Pape" suite à la légende lancée par le journaliste Jean Carrére, correspondant romain d' Il Tempo, suivant laquelle le Pape Pie X aurait condamné le tango et conseillé de danser la Furlana, après à une exhibition de deux jeunes vénitiens. Voir la rubrique : "Le tango et l'Eglise".

LA " PERICON " ARGENTINE

Cette nouvelle contredanse est infiniment séduisante pour le grand nombre de ses figures ingénieuses et originales. C'est chez Madame Jean de Rezké que le professeur Enrique Saborido l'a récemment inaugurée. Les danseurs l'exécutent habituellement par quatre, six ou huit couples. Son rythme est tout à fait gracieux et sa musique très mélodieuse. Nous donnons quelques-unes des figures les plus caractéristiques qui composent la " Pericon " argentine. Celle que représente le document central est une des plus gracieuses : celle des "cercles" au moment où les couples reviennent à leur place.

Le tango n'est qu'une danse à la mode parmi les autres, mais l'Argentine fascine toujours. Madame de Reské, marquise de son état et épouse d'un ténor fameux de l'époque,  y est sûrement pour quelque chose. Dès 1911 elle est particulièrement active dans la diffusion du tango dans Paris. Pour Horacio Ferrer, c'est en 1910 que dans ses salons eut lieu la première vraie démonstration exécutée par l'écrivain Ricardo Güiraldes et Yvette Guet. On peut raisonnablement penser que le professeur qui enseigne la "Pericon" est le même Enrique Saborido qui écrivit le tango "La Morocha". En effet, outre ses talents de compositeur, il était connu comme un excellent danseur de tango et l'avait enseigné à Buenos Aires dans une académie du micro centro.

Concernant la danse, l'auteur de l'article l'apparente sans hésitation à une forme de contredanse, et la description de la première figure est un balancement de mazurka.

Femina du 15 avril 1914 :        Les grandes fêtes de Paris

Comme souvent à l'approche des grands cataclysme de l'histoire, une sorte de fièvre du plaisir et de frénésie de la vie s'empare des hommes. En cette période d'avant-guerre, alors que la crise de Fachoda, les antagonismes, au Maroc, de la France et de l'Allemagne, et l'armement accéléré de celle-ci annonce l'inéluctable, les bals deviennent de plus en plus fastueux, voire extravagants et parfois bien plus, comme pendant le carnaval à Nice.          Cliquez sur les images pour les agrandir.

Ci-dessus à gauche : Le Bal à la Salle Persane. Les spectacles pittoresques organisés en l'honneur de la danse et de l'Orient se renouvellent chaque jour. Un club très select, le "Club des Vingt", tient ses séances à Magic City dans une salle persane où des gentlemen vêtus, les uns de brocart, les autres du simple habit noir, esquissent des Maxixes et des "Très moutardes" avec des jeunes femmes, qui, sous le loup et les écharpes de Shéhérazade, cachent les noms les plus connus de la société parisienne. C'est le temple de la danse ; les vieux Saints qu'on ne célébrait plus, comme le boston, y sont très fêtés et nul doute que la valse elle-même ne tente bientôt nos belles modernes.

Ci-dessus à droite : Le Bal de l'Opéra photographié pour la première fois. On croyait depuis longtemps que les bals de l'Opéra avaient vécu. Il n'en était rien. A l'appel des directeurs des théâtres de Paris, une foule rouge et jaune (telles étaient les couleurs imposées à la première redoute*) vient d'y renouer les vraies traditions de la gaîté française. Le document que nous publions ici, photographie unique, et que nous reproduisons surtout à ce titre, donne l'aspect de l'immense salle à deux heures du matin : Arlequins, Colombines, Pierrots, Pierrettes, Girls anglaises, Persanes et Dominos, riant, dansant, s'intriguant, c'était un spectacle inoubliable. C'était aussi, car la charité ne perd jamais ses droits, de l'or pour les pauvres à qui de telles fêtes procurent un peu de bonheur.

* Note : "Redoute", lieu où l'on se réunit pour faire une fête, un bal, et par extension, le bal lui-même.

 

Mlle Urban et le professeur Lefort, dansent le Ta-Tao

Cette danse nouveau-née qui obtint un très gros succès au Congrès international des maîtres à danser, remplacera-telle les danses à la mode ? Elle a pour elle d'avoir un nom très doux qui signifie La Cadencée et sa 5e figure tente, parait-il, de reproduire " le mouvement des eaux agitées par un doux zéphir ". Voici, au centre de la page, Mlle Urban, l'étoile de l'Opéra, dansant avec le professeur Lefort, un des pas du Ta-tao qui comprend les six figures principales que l'on voit ici.

Les professeurs de danse de l'époque, très vite dépassés par l'arrivée fulgurante de danses qui leur étaient inconnues, et par le succès de professeurs autant importés qu'improvisés, tentent de reprendre la main. Ils s'opposeront ainsi au Tango et surtout au Shimmy.

L'histoire se répètera lorsque les mêmes professeurs en place s'opposeront plus tard à l'arrivée du rock n'roll, du tango argentin puis de la salsa, pour ensuite les récupérer...

Quelques belles images pour finir

La France, comme les autres pays s'étourdissait dans les plaisirs, mais les tensions en Égypte, la crise de Fachoda au Soudan, les rivalités au Maroc, le système des Alliances, tout entraînait irrémédiablement l'Europe vers le chaos. Sarajevo le 28 juin 1914 allait déclencher la grande boucherie...

Le tango partit en exil, mais pour mieux revenir dès 1919 et reprendre sa place à Paris.

 

 

Copyright 2012   Dominique LESCARRET

 

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