Histoire du tango
La Situation de la danse en Argentine et Uruguay juste avant le Tango

Quelle était la situation de la danse en Argentine avant la création de la Milonga d'abord, du Tango ensuite ? Le paysage était multiple et varié : héritages des traditions des danses de fertilité antiques, danses typiquement Espagnoles, danses Espagnoles modifiées localement, danses Africaines, danses Européennes de salon principalement de tradition Française, danses de soldats et de marins, toutes les cultures et civilisations de l'époque étaient rassemblées. Le melting-pot était constitué, d'où allaient sortir les danses de couple spécifiques de la tradition purement Argentine et Uruguayenne.

Dans l'ordre de cette rubrique :

Une longue filiation  /  La culture Espagnole  /  En provenance de France  /  La Habanera

Les Danses à la mode  /  Les Provinces et les Gauchos  La population Noire  /  Le Candombe  /  le Carnaval

Une longue filiation

La tendance naturelle lorsque l'on étudie une nouvelle danse, et qui plus est, née sur un autre continent, est d'oublier les liens qui la rattachent à la longue lignée des danses populaires, au sens le plus large, qui l'ont précédée.

Considérons les danses sacrées pratiquées dans les différentes civilisations. Les historiens actuels s'accordent sur le fait que leur parenté est indéniable quelque soit le continent, et leur origine souvent commune, datant des civilisations du néolithique. Ensuite chaque nouvelle civilisation et chaque nouvelle religion ont récupéré au fil des siècles les pratiques cultuelles antérieures, les adaptant, mais assurant également leur transmission. Ainsi de l'Egypte ancienne, en passant par la Grèce, puis Rome, puis l'Espagne et enfin le Nouveau Monde, les mêmes danses sacrées, les mêmes rythmes, se sont transmis et adaptés au fil des siècles. Passant au Sud de la Méditerranée, en Afrique, on retrouve les mêmes origines et, si les danses diffèrent, les rythmes eux, comme on le verra de façon plus détaillée dans la section musique, sont identiques à ceux que l'on peut trouver dans les civilisations occidentales.

Danse et religion, se sont toujours mariées pour célébrer les rites liés aux célébrations des fêtes de la Fécondité, de la Vie et de la Mort. Elles ont été combattues par les élites, des penseurs Grecs aux tenants du Catholicisme Gallican, celles-ci considérant les danses du peuple comme  dangereuses et avilissantes. Comme toujours, lesdites danses survécurent à ces interdictions, plus ou moins intégrées dans d'autres rituels ou pratiques.

Saint Ambroise de Milan (v.330/340-397) était favorable aux danses sacrées dans les églises, mais condamna les danses "lascives" qui s'y pratiquaient. Quant à Saint Augustin (354-430) il était totalement horrifié par la dimension sexuelle des danses populaires. Au fil du temps on assista à de nombreux débordements dans les églises, allant jusqu'à de véritables bacchanales, qui provoquèrent l'exclusion de la danse des manifestations religieuses. Ces danses se réfugièrent alors dans les traditions populaires et villageoises, jusqu'à être totalement interdites par l'église. Le rite Espagnol, Sévillan ou Mozarabe, pratiqué dans la région de Séville, plus permissif, continua d'autoriser les fêtes rituelles d'origine païenne, mais récupérées par l'église, sous la forme de " Calendas ". Elles perdurèrent jusqu'à leur interdiction officielle en 1783, par le Roi d'Espagne Carlos III.

Mais ces rythmes continuèrent à survivre à travers ceux des danses folkloriques.

Le syncrétisme des percussions Africaines et des danses cultuelles pratiquées par les colons Espagnols, allait être facile : d'une origine commune prenant sa source dans les religions païennes du Cosmos, de la plus lointaine Antiquité, leurs rythmes étaient communs et leurs thèmes les mêmes : ceux de la Fertilité, de la Fécondité. Ainsi le syncrétisme des cultures Espagnoles et Africaines étant passé par là, il a pu se concrétiser, à Cuba notamment, sous la forme de danses de couple lentes et lascives, chargées d'érotisme. La culture Française qui possédait également les mêmes rythmes, à quelques nuances près, allait en arrivant à Santiago de Cuba, terminer cet extraordinaire amalgame de ce qui n'était finalement que différentes expressions d'une même culture ancienne originelle.

Ce qui se passa à Cuba, l'Africanisation des danses Européennes et le mélange harmonieux des différents rythmes Occidentaux et Africains peuvent nous donner une bonne idée de ce qui se passa de la même manière dans toutes les Caraïbes, le Brésil, la Nouvelle Orléans, et très probablement en Uruguay et en Argentine. Quant à l'esclavage, et en parlant de Cuba, il faut se rappeler que le mot "esclave" vient de "Slave", population qui fut, avec les Grecs, la première a être capturée et vendue à travers le monde. Si l'on en croit l'historien Américain David Brion Davis, vers 1600, il existait encore des esclaves Grecs à Cuba. Leur culture rythmique commune avec les habitants de l'île, ne pouvait être que celle des cultes de Dyonisos, aux origines bien plus lointaines

La culture Espagnole

A Buenos Aires, même si comme on le verra plus loin, il existe une multitude de cultures propres à des immigrants de tous pays, la culture fondamentale, liée à l'histoire de la création de la ville, est la culture Espagnole. Comme nous l'avons vu au paragraphe précédent, l'église Espagnole possédait un rite liturgique, qui lui était propre. en fait elle en possédait deux, dont le rite Sévillan ou Mozarabe (liturgie de Saint Isidore ou Wisigothique). A Buenos Aires, comme dans toutes les autres colonies, c'est ce rite qui était pratiqué.

L'église, fort influente, y compris dans la gestion temporelle de la cité, autorisait donc la survivance des chants et danses sacrées, lors des cérémonies religieuses. Les Jésuites enseignèrent d'ailleurs ces pratiques aux Indiens Guaranis, avec un succès très moyen, mais les faisant danser dans les églises. Les noirs intégrèrent rapidement ces pratiques, les créolisant en particulier au niveau du rythme.

Mais il existait bien d'autres danses, liées à la culture Espagnole, d'inspirations plus profanes (quoique ...). Ainsi le groupe des danses " Flamencas ",  ou picaresques, dont la " Chacarera " et " El Gato " sont deux des principales descendantes. Ainsi se dansaient la " Passacaille ", la " Folia ", d'origine Portugaise mais particulièrement en vogue en Espagne, la " Chaconne ", la " Moresca " d'origine Arabe, la " Sarabande ", et du pays Catalan, " la Sardane ".

Le " Fandango ", d'origine Andalouse, est lui aussi très populaire. Dans son rythme on retrouve déjà les diverses origines Guinéennes, Arabes, Occidentales qui chacune à leur façon, perpétuent les danses sacrées de fécondité, pour en faire une danse dont Casanova disait :

Collection D.LESCARRET

« On ne saurait décrire le Fandango : chaque couple fait mille attitudes, mille gestes d'une lascivité dont rien n'approche. Là se trouve l'expression de l'amour depuis sa naissance jusqu'à la fin, depuis le soupir jusque l'extase. Il me paraissait impossible qu'après une danse pareille, la danseuse pût rien refuser à son danseur. » — Casanova, 1767

Danse au tempo vif, mais teintée de séduction et de volupté, cette danse se retrouve également au Pays Basque et en Galice, deux régions de forte immigration en Argentine. Elle est à la base de l'actuelle Zamba (via un probable passage par le Pérou), toujours populaire dans les campagnes, et même à Buenos Aires.

Enfin le " Tango Andalou ", qui n'a pas ou prou de rapport avec le Tango Argentin, à l'influence près sur l'origine du nom, et qui serait d'influence Arabe, mais qui s'apparente, lui aussi au groupe des Danses Flamencas.

Toutes ces danses vont se retrouver dans les danses folkloriques Argentines, et indirectement dans la construction du Tango.

Ainsi, l'une participera par le rythme, l'autre par l'attitude, la troisième influencera le style, à l'élaboration de ce qui deviendra plus tard, d'abord la Milonga, puis le Tango.

Certes, comme nous le verrons plus tard, l'avènement du Tango est un phénomène essentiellement citadin et portuaire, mais Buenos Aires, même en opposition avec ses Provinces, même rejetant tout ce qui pouvait venir de la Pampa, même essentiellement tournée vers l'Europe et vers la France, était une ville de commerce et d'échanges, et de ce fait était soumise à toutes les influences des populations aussi bien immigrées que limitrophes qui y convergeaient.

En provenance de France ... ou d'ailleurs

Revenons à ... Louis XIV. La France est à son apogée. Le Monde entier regarde les fantaisies du Roi Soleil, et en adopte les modes et fantaisies. Ors le Roi ... danse ! Véritable passionné, il entraine la cour et toute l'Europe, sur les musiques de Lully, dans la frénésie des danses de cour : Branle, Bourrées, Chaconnes, Courantes, Gaillardes, Gavottes, Menuet, Pavane, Rigaudon, et autres Sarabandes allaient envahir la Cour. Le 30 mars 1661, Louis XIV crée L'Académie Royale de la Danse.

Un siècle plus tard, sous Louis XV, une danse venue d'Angleterre, la "Country Dance" allait révolutionner la manière de danser. Vite transformée et améliorée par les Maîtres de Danse Français (elle se dansait en ligne en Angleterre, pour devenir une danse en rond et en carré avec de multiples agencements en France), elle est copiée dans toute l'Europe. A partir de là deux théories différentes convergent vers la Havane.

La première attribue à une version espagnole de la contre-danse Française, arrivée à La Havane, et métissée avec les rythmes Afro-Cubains, l'origine de la naissance de la Habanera, littéralement la danse de la Havane (on devrait l'écrire : Havanera). A noter cependant que l'on ne trouve nulle trace de Habanera dansée en Espagne.

La seconde pense que ce sont les Français, fuyant la révolte des esclaves en Haïti en 1791, et créant la ville de Santiago de Cuba, qui introduisirent la Contredanse à Cuba. Si cette filiation plus directe ne peut être absolument certifiée, l'évolution Contre-danse Française de Santiago, Contradanza, Danzon, Danzonette, Mambo, Cha-cha-cha, est elle communément admise, et particulièrement par les historiens du Ministère de la Culture de Cuba, qui y associe la Habanera.

Dans tous les cas, la Habanera, cette nouvelle musique et la danse qui lui est associée, sont souvent appelées par les compositeurs : " Contradanza criolla " ce qui la rattache indubitablement à la Contredanse, et on peut penser que l'amalgame a pu se faire également entre les mélodies Espagnoles, les danses d'origine Française et l'apport rythmique Africain. De nombreux rythmes, issus de ces différentes cultures sont en effet très proches, comme nous pourrons le voir dans la partie consacrée à la musique, et sur cette page, en attendant : Cliquez. En tout état de cause, les historiens et musicologues en sont réduits, hélas, aux hypothèses.

La Habanera

Toujours si on en croit les historiens de la Havanne, la Contradanza, se ralentissant et adoptant un rythme, plus tard appelé, "Ritmo de Tango", devint "Danza Habanera". Comment et par qui ces danses étaient-elles pratiquées ? Il faut d'abord savoir que la société à Cuba était fortement divisée entre les riches et les nobles d'une part, et les esclaves ou anciens esclaves, les noirs. Ces danses avaient été adoptées par la haute société qui copiait, comme l'ensemble du Monde à l'époque, les modes de Paris. Plus tard seulement, elles furent créolisées mais surtout au plan rythmique.

Regardons d'abord les costumes associés à ces danses.

                                         

Collection D.LESCARRET

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Comme on peut le voir sur ces gravures, il s'agissait de danses cérémonieuses, initialement réservées à la bonne société de la Havane, d'origine espagnole, danses qui même créolisées gardaient leur côté "Danse de cour" à la Française.

 

Ce vidéoclip, enregistré dans le cadre d'une formation à Cuba en aout 2000, parrainée par le Ministère de la Culture et dans le cadre de l'Ecole Nationale d'Art de La Havane, nous entraine dans un des quartiers pauvres de Santiago de Cuba, où de jeunes futurs danseurs des ballets folkloriques de l'île, nous donnent une idée de ce qu'étaient la Contradanza et la Danza, à l'époque des prémices du Tango.

 

Le rythme principal, rapide, que l'on entend sur cette vidéo, s'écrit :

Les musicologues Cubains y verront une adaptation du cinquillo amené par les Français, les musiciens verront immédiatement qu'une liaison entre la première double-croche et la croche qui la suit, donne le rythme de la habanera, et deux liaisons entre les doubles-croches et les croches qui les suivent, amènent au 3-3-2. Ce rythme, variante rapide de la Habanera, et appelé " Marote " aurait été amené dans le Rio de la Plata par les " Zarzuelas " ( Isabelle Leymarie Du Tango au Reggae Flammarion 1996)

La Habanera, tout aussi cérémonieuse, sinon plus compte tenu d'un rythme un peu plus ralenti, ne pouvait être, lors de son arrivée à Buenos Aires, qu'une danse réservée à la haute société. S'il est indéniable que la Habanera est un des piliers fondamentaux sur lesquels s'est bâtie la musique du Tango, il est peu probable que la danse y ait puisé une quelconque source d'inspiration, sauf peut-être un certain côté grave et cérémonieux dans la marche en couple. Il faut donc chercher autre part, et probablement l'explication tient dans une certaine confusion des termes définissant la danse. Ainsi la Danza en arrivant à Buenos Aires était-elle déjà une danse de couple assez lascive, ou tout au moins en "bustes collés". L'appellation d'Habanera lui aurait été donnée par la suite, selon l'historien Vicente Rossi, ce qui est contraire à la chronologie de l'évolution des danses à Cuba. Mais les appellations données par les danseurs ne correspondent pas toujours à des réalités historiques et culturelles, mais plus à l'adoption de mots ou de noms à la mode, entendus et répétés sans en connaitre exactement la teneur ... On peut donc supposer que la Habanera se dansait de façon cérémonieuse dans la haute société, et que ce que l'on a appelé, la " Habanera du pauvre ", était en fait la Danza, danse de couple Cubaine, aux bustes collés, licencieuse avant l'heure.

Soirée organisée par la "Liga Patriotica Argentina" en 1929

Buenos Aires et Montevideo : les danses à la mode

L'influence Européenne y est grande, et particulièrement Française (en 1840 sur 34 000 habitants, 13 000 sont Français). On la retrouve dans toutes les classes de la société, mais surtout dans la haute bourgeoisie. Mode, culture, idées politiques et bien sûr danses, sont copiées sur ce qui se pratique à Paris. Il est inconcevable pour qui en a les moyens de ne pas faire le voyage à Paris, sinon de s'y rendre régulièrement. L'élite des deux capitales parle le Français.

Valses, Polkas, Mazurkas et par le biais de Cuba, la Habanera, animent les bals, mais il existe d'autres lieux de danse pour d'autres catégories sociales. Tout le long de la plage et près du port, de nombreuses gargotes et bouges en tout genre, où militaires, marins ou gens du peuple viennent se distraire et danser.

Carmen Bernand dans son Histoire de Buenos Aires reprend la description faite par José A.Wilde Buenos Aires, desde 70 años atrás, Buenos Aires, Eudeba 1880 :

" Un port fréquenté a nécessairement ses quartiers mal famés. La plage qui s'étend jusqu'au Retiro pullule de matelots de toutes origines qui déambulent de pulperias en gargotes. Beaucoup d'entre eux ont déserté et cherchent à s'établir dans le no man's land du Rio de la Plata. Les Anglais sont si nombreux que l'on aurait pu équiper un vaisseau de guerre. Quand la nuit tombe, ils dansent dans les maisons de passe au rythme du violon et de la flute, sous l'œil médusé des filles. Sur la Alameda, l'Allemand Enrique Hipold de Brême a ouvert une taverne qui sert aussi de "bordel" ... La plage est aussi un lieu de rassemblement des lavandières. L'Anonyme anglais, sensible à la beauté féminine, est fasciné par la "magnificence africaine" des fêtes lors d'un mariage ou d'une cérémonie. on peut jouir du spectacle qu'offrent les tentures improvisées de linge blanc sous lesquelles passe la reine du jour, tandis que des tissus rouges attachés avec des bâtons ondoient comme des étendards. De la grève monte le rythme enivrant des percussions, où les casseroles s'ajoutent aux tambours ... "

D'autres descriptions de voyageurs parlent de nombreuses cabanes habitées par des Basques, du côté du Riachuelo, et d'une Auberge de la Marine, tenue par un cuisinier Français.

Dans la noblesse et la haute bourgeoisie, la Valse est la danse incontournable, quelle soit dansée sous sa forme originelle ou sous une forme ralentie, sous le nom adopté en France de " Boston " (cette forme particulière ayant été importée en 1867 par la colonie Nord-Américaine) . D'après G. Desrat, (Dictionnaire de la danse historique, théorique, pratique et bibliographique. Paris, May et Motteroz, 1895), toutes les autres danses, scottisch, polka, mazurka et autres furent "bostonnisées" c'est à dire, en fait ralenties. Cette information est évidemment très intéressante, la relation avec la forme du tango et son évolution, paraissant plus évidente, dés lors que la rapidité d'exécution devenait la même, et surtout ralentie. On verra pourquoi dans la rubrique suivante "Influences et création", qui introduit les notions de Corte et de figures inventées et complexes.

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Quelles que soient les adaptations locales, et sous l'impulsion de la France, toute l'Europe, le Monde, et l'Argentine avaient en commun au moins trois danses de couple : la Valse, la Polka et la Mazurka. Elles apporteront toutes, et de façon très significative, leur contribution à la création ultérieure du Tango.

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Les Provinces et les Gauchos

 

Dans les Provinces la situation est différente. Le brassage de population y est bien moindre, et les élites moins nombreuses. De plus, à l'intérieur des terres, les marins ne sont pas présents, et leur apport à la transmission des cultures est comme on le sait tout à fait fondamental.

 

Il se crée ainsi de multiples danses locales, telles le Chamamé, El Gato, El Loncomeo, El Malambo, La Chacarera, La Zamba, El pericón, El ranchero, etc ... La plupart étant des danses paysannes, où la notion de couple fermé est rarement présente. L'influence Espagnole y est prépondérante, coexistant parfois avec celle des cultures Indiennes locales, les couples mixtes, Gauchos-Indiennes, étant particulièrement fréquents.

 

Le Chamamé

Né dans la région de Corrientes, Polkita Correntina ou Habanera-Polka selon les appellations, est une adaptation de la Polka qu'aurait introduite Madame Elisa Lynch, compagne de Francisco Solano López, invitant à Asunción, un orchestre de musiciens Cíngaros et Polonais, qui y jouèrent Polkas, Mazurcas et Czardas. Le métissage avec les musiciens Guaranis des missions Jésuites, conduisit à une musique et une danse originale, qui perdure encore aujourd'hui.

Vidéo de Carlos Benitez et Marina Magistrello, que nous remercions chaleureusement.

La Chacarera

Danse des provinces de Salta, Tucumán et lus généralement du nord de l'Argentine, elle est basée sur le rythme de la valse (ternaire), et sur la musique des guitares et du bombo legüero (photos encadrant la vidéo).

Cette danse se retrouve dans le Sud du Brésil (vidéo), en Bolivie et en Uruguay. Elle comporte de nombreuses variantes, la plus répondue étant la "Chacarera doble". Danse chorégraphiée dans son ensemble et dans les déplacements, elle permet l'improvisation dans les mouvements d'expression, particulièrement le " Zarandeo ", quand la femme fait tournoyer sa jupe, et le " Zapateando ", jeu de frappe de pied au sol des cavaliers.

El Escondido

Danse pratiquée dans le Nord de l'Argentine et qui serait une adaptation d'un autre rythme " El Gato ". Accompagnée par des guitares, violons, tambours et parfois Bandonéons, elle appartient à la famille des danses en couples séparés.

Son nom vient du verbe " esconderse ", se cacher, et d'une figure de la première partie, où l'un des danseurs se cache, et l'autre fait mine de le chercher. Sur cette vidéo prise à la Feria de Mataderos en 2007, c'est l'homme, dans le couple au premier plan, qui fait mine de se cacher en se mettant à genoux. Le fait de se cacher la fait confondre souvent avec " El Gato Correntino " ou le cavalier fait mine d'attraper sa cavalière, la rate et lui tournant le dos la cherche des yeux.

Le Malambo

C'est la danse de virtuosité des Gauchos, exprimant habileté et virilité. A l'origine, ils s'attachaient un couteau à chaque pied et produisaient le rythme désiré en les entrechoquant, dansant parfois entre quatre bougies. Ventura Lynch, musicien , folkloriste et éditorialiste célèbre publia la première partition de Malambo en 1883, mais son origine remonterait aux alentours de 1600. Cette danse, uniquement exécutée par les hommes frappant le sol de leur pieds, le " Zapateo " ,  donnait lieu à des joutes entre Gauchos, ceux-ci rivalisant dans des variations et des figures. Ces joutes pouvaient durer des heures, jusqu'au renoncement d'un des deux participants. Les danseurs de Malambo associent souvent à leur prestation, les techniques de " Boleadoras ", évoquant l'outil utilisé d'abord par les Inidens, pui par les Gauchos pour chasser les Autruches, et transformé par la suite en redoutable arme de combat. Il existe deux styles un peu différents au Nord et au Sud du pays.

         

Malambo exécuté en démonstration par El Maestro, Hernan Villegas, Directeur de la Compania Universal de Tango, et Directeur Argentine de la formation professionnelle, Real Academia de Tango Argentino. Vidéo réalisée à Cergy, sur invitation de Monsieur Marc Delacour, lors des Championnats de France de Danses Standards qu'il a organisé en 2010.

La Zamba

Dérivée de la Zamacueca Péruvienne, cette danse arrive en Argentine, à Mendoza, et via le Chili, aux alentours de 1820, et se caractérise par un jeu de séduction et de foulards, les " pañuelos ". Dansée dans toutes les Provinces, elle fait une entrée timide à Buenos Aires depuis le début des années 2000. Elle était accompagnée, à l'origine, à la guitare et au " Bombo legüero ", percussion traditionnelle Argentine, dérivée des tambours militaires.

        

La vidéo ci-dessus a été filmée en 2007, à la Feria de Mataderos, dans la grande banlieue de Buenos Aires

Les Gauchos et El Gato

C'est la danse la plus populaire pendant plus d'un siècle à travers de nombreux pays d'Amérique du Sud : Bolivie, Paraguay, Uruguay, Chili et bien sur Argentine. C'est une danse de séduction pratiquée dans la Pampa par les Gauchos, mais également par toutes les autres couches sociales de la population. Elle est appelée parfois " Bailecito ".

Introduite vers 1820, la danse se répand rapidement et Ventura R. Lynch la cite en 1883, (Cancionero Bonaerense), précisant qu'il n'existe pas un Gauchos qui ne sache la danser. Elle perdure encore actuellement dans certaines provinces.

Le Zamacueca

De nombreuses autres danses existent dans les campagnes, signalons la " Zamacueca ". D'origine Angolaise, mais née au Pérou, elle arrive en Argentine, via le Chili et la Bolivie. C'est avec la habanera la danse des veillées mortuaires de " los Angelitos ", les jeunes enfants décédés. Ces veillées, les " Velorios " étaient prétextes à danse et beuveries, au point que l'on louait des cadavres (!) pour pouvoir faire la fête. Cette danse a été décrite à l'époque comme élégante et voluptueuse. On peut aussi la danser à cheval, et c'est l'animal qui exécute alors les pas !

Carte Postale 1907 / Danses Folkloriques Argentines - Collection D.Lescarret

Les noirs, esclaves ou affranchis

Que peut-on dire des noirs en Argentine ?  D'abord, comme leurs homologues en Amériques du Nord, ils sont arrivés comme esclaves. Mais, à la différence de ce qui se passa dans les régions du Sud des Etats-Unis, il n'y avait pas en Argentine de grandes plantations et de main-d'œuvre employée dans les champs. La condition d'esclave était totalement différente. En effet, ils travaillaient essentiellement, soit comme domestiques, soit comme artisans pour un maître. Celui-ci marquait son rang social en habillant au mieux ses esclaves, et leur traitement n'avait rien de comparable avec leur infortunés homologues d'Amérique du Nord. Les femmes s'occupaient de la maison et du linge, et servaient souvent de dames de compagnie, accompagnant leur maîtresse jusqu'à partager le bain à la rivière. Les hommes excellaient comme maçons, puis comme coiffeurs et ... professeurs de piano. Pour faciliter l'intégration l'affranchissement était relativement facile, soit par mariage ou par son propre rachat. Le métissage était chose courante, souvent, du fait du manque de femmes, hommes blancs avec femmes noires, hommes noirs avec indiennes. Le mariage entre noirs était également encouragé par les maîtres, et certains esclaves vivaient en famille avec leurs enfants, à la différence, là encore des Etats-Unis où les couples étaient volontairement séparés. Autre différence, alors que les esclavagistes Nord-américains séparaient systématiquement les ethnies pour éviter les regroupements et les révoltes, en Argentine, nul n'était besoin de prendre ces précautions et les Nations Africaines pouvaient régulièrement se retrouver pour des fêtes. Il n'en demeure pas moins que la tradition Africaine étant essentiellement orale, et les esclaves en état physique de traverser l'Atlantique étaient tous jeunes, le lien culturel était indubitablement rompu avec l'Afrique. D'autres part, les ethnies étaient nombreuses, et de langages différents : impossible de communiquer entre eux. Dans le Brésil voisin par lequel transitaient les navires négriers, on a recensé pas moins de quatre grandes civilisations Africaines différentes (Soudanaises : Yorubas, Dahoméens, etc... ; Islamisées : Peuls, Mandingues, etc ... ; Bantoues Angola-Congolais, et Bantoues de Côte d'Or Mozambique), quatre religions principales présentes, et dans le cas de l'animisme, une grande disparité : on parle de 450 ethnies différentes sur la seule zone Bantoue, 20 groupes linguistiques et 70 dialectes. Impossible pour les Noirs de communiquer entre eux et peu de rites religieux et culturels en commun. Le seul lien qu'ils avaient, était probablement finalement certains rites fondamentaux venus de la nuit des temps, les plus anciens et profonds (ceux de la fertilité essentiellement), et leurs rythmes associés. Mais là encore, la pression culturelle des Blancs (obligation de faire la prière en commun le soir, participation aux fêtes et rites chrétiens, travail d'"éducation" des prêtres, etc ...) amenèrent très vite à un syncrétisme des religions et les manifestations de regroupement des Noirs, comme nous le verrons plus loin, perdirent très vite leur authenticité culturelle typiquement Africaine.

Finalement l’Assemblée constituante instituait en 1813 la « liberté du ventre » (les enfants des esclaves bénéficiaient de la liberté à leur naissance) et interdisait en même temps la traite des esclaves, tandis que l’esclavage était aboli en 1853 par la Constitution Nationale. A partir de 1920 les noirs devenus libres se sont regroupés dans des « sociétés africaines », qui étaient en fait un moyen de contrôle social de la population de couleur.

Articles 15 et 16 de La Constitution Argentine de 1853 abolissant l'esclavage

Pour lire le texte et sa traduction :  Cliquez

Quelles étaient donc, leurs célébrations ?

On découvre ou redécouvre actuellement le parallélisme entre le paganisme africain et les survivances des mêmes croyances au sein des célébrations liturgiques de l'église chrétienne. En fait les noirs étaient tiraillés entre deux cultures qui avaient un même point commun : une concordance des rythmes, à défaut de moyens identiques pour les exprimer. Un des principaux métiers dévolus aux noirs, était celui de musicien. Mais musicien pour les blancs : violoniste d'orchestre ou dans les églises, professeur de piano pour les enfants des maîtres. Point de culture Africaine dans tout cela. Mais comme nous le verrons dans la rubrique consacrée au rythme du Tango, retrouver dans les vieux menuets et autres contre-danses, les ostinatos propres aux percussions africaines était facile car ayant une origine commune, et leur façon de jouer en fut ainsi modifiée, en particulier dans le placement des accents, que les Africains changeaient ou rajoutaient sur les rythmes qu'on leur proposait ou imposait.

Qu'en était-il pour la danse ? Pas de tradition de danse de couple en Afrique, car se toucher en dansant était tabou, même dans les danses de fertilité. Ce sont donc, en fait, des Noirs, partiellement déculturés, qui imiteront d'abord les blancs pour s'essayer à la danse en couple, d'abord et surtout dans la création de la Milonga. Le même phénomène de reproduction, se produisit de la même façon en Amérique du Nord, donnant notamment naissance au " Cake Walk ". On notera dans ce dernier cas, que les Noirs dansaient ainsi pour se moquer des Blancs, en les caricaturant, et que les Blancs se moquaient de la façon de danser des Noirs, les trouvant ridicules et croyant à leur incapacité à danser correctement. De ce véritable dialogue de dupes ... est sorti le Cake Walk qui fit quelques temps les beaux des salons à la mode aussi bien à New-York qu'à Paris !

Restaient les cérémonies religieuses, coutumières et autorisée. Ici un préalable s'impose : trop d'historiens dans leur approche travaillent, à mon humble avis, à l'envers. Ils partent d'un mot, d'un nom, d'une onomatopée pour essayer de retrouver un lien historique entre des choses qui ne sont pas forcément liées entre-elles. Ainsi on part du mot "tango", et remontant l'histoire on essaye de rattacher entre eux, tous les concepts ou évènements ayant porté des noms approchants, de préférence avec une appréhension linéaire de leur filiation dans le temps (voir la rubrique Grands thèmes - Origines du mot Tango). A l'inverse on peut tout aussi bien supposer qu'à la même époque, dans un même lieu, des choses différentes et totalement étrangères entre-elles puissent porter le même nom. Concernant notre propos, nulle vérité historique n'est à l'heure actuelle totalement établie. Ce préalable posé nous pouvons parler des " Tambos ", " Tangos " et autres " Candombe ".

Le Candombe

Sous la dictature de Rosas, les manifestations musicales et dansantes, publiques avaient atteint leur apogée. Le pourcentage des Noirs en  1830, atteignait 25% de la population de Buenos Aires. La communauté était divisée en “Nations“ parfaitement organisées, selon sa provenance : l'Angola, le Congo, la Guinée, Cambundá, le Mozambique et les autres, élisant son roi et sa reine, arborant ses couleurs distinctives. L'église essayant de récupérer cette ardeur, essayait de faire coïncider ces manifestation avec les célébrations de Saints, mais les mouvements avaient tant d'ampleur que la population blanche, non seulement s'en offusquait (particulièrement des mouvements et attitude des danseurs à connotation  sexuelle), mais en avait également peur (certains rassemblements avoisinaient les deux mille participants). C'est cette peur, partagée par tous les gouvernements qui suivirent la chute de Rosas, qui fit interdire les rassemblements de Candombe.

 

                  

Sur la vidéo ci-dessus, on voit que, pour ce qui subsiste à Buenos Aires, la danse est réservée aux femmes, et qu'un certain cérémonial préside à la manifestation : tambour pour les hommes, danse pour les femmes, défilé dans les rues les femmes précédant les percussionnistes, signal leur permettant de rentrer dans le cercle des tambours, final après un signal du meneur, suivi d'une carrure précise de huit temps forts. Il est plus probable que les rassemblements de Candombe intégraient des danseurs hommes, mais la notion de danse en couple, ou simplement en se touchant, était étrangère à ces célébrations. Les défilés de Samba au Brésil peuvent donner, en partie, une idée de ce qu'à pu être le Candombe à l'époque, de même que les danses Africaines d'origine et la Rumba Cubaine pour les danses de fécondité.

En Uruguay, et particulièrement à Montevideo, le phénomène a perduré et continue encore, l'extermination des Noirs par les fièvres et les guerres Indiennes n'ayant pas eu le même influence néfaste. La tradition des costumes et personnages du Candombe s'est transmise jusqu'à aujourd'hui.

Parmi ceux-ci, on distingue principalement :

- Le " Gramillero " : le Sorcier. Il affiche une barbe, un bâton et un sac contenant les " yuyos ", fêtiches et condiments guérisseurs

- La " Mama vieja " : celle qui possède les clés. On la reconnait à son éventail et son ombrelle.

- L' " Escobero " ou " Bastonero " : qui défile avec un tablier en cuir en agitant un balai.

- La " Vedette " : la meilleure danseuse, personnage assez récent dans l'histoire du Candombe.

 

Le Candombe n'eut pas, probablement, d'influence directe sur la création de la Milonga et du Tango en termes de techniques de danse, la notion  de couple en étant totalement absente. Mais on peut penser que les attitudes "sexuelles" des danses de fertilités ont été reprise par les derniers Noirs survivants et intégrés à la population blanche, influençant le style des premiers danseurs de Milonga et des premiers Tangos. La présence des Noirs dans l'armée, leur attribua certainement un rôle dans les débuts de la Milonga, mais en imitant et pratiquant les danses des Blancs, en en transformant le style suivant leur sensibilité particulière. Nous verrons cette influence à la page suivante : Tango, influences et création.

Le Carnaval

Survivance des Saturnales Romaines, le Carnaval commence a être célébré dans le Rio de la Plata, aux alentours de 1600. Il s'agit au départ d'une tradition Espagnole, particulièrement vivace en Andalousie, manifestation où les Noirs sont tolérés, défilant au son du Candombe. Mais ce sont les religieux Blancs qui instaurent, pour les Noirs, la notion de défilé (très rare en Afrique). Ce sont les religieux qui organisent également les confréries. En sus du Carnaval, pour la fête de Saint Benoit, "officialisé Patron des Noirs" et celle de la Sainte Vierge, ils établissaient deux groupes, élisant chacun deux Rois, l'un représentant le Roi du Portugal, l'autre celui de l'Espagne ; l'un étant le symbole des Incas, l'autre celui des Chrétiens, mise en scène symbolique du combat des Chrétiens contre les Maures. Ils les faisaient alors défiler dans les rues au son des instruments, non seulement celui des percussions, mais aussi des instruments Européens à la pratique desquels ils formaient les esclaves. Les deux groupes simulaient des combats, chantaient et dansaient à travers la ville. L'expulsion des Jésuites, au milieu du XVIIIe siècle, fut le début d'une perte d'influence sur les communautés Indiennes et Noires, et ces dernières prirent une sorte d'autonomie dans leurs manifestations, qui se concentrèrent sur la période du Carnaval. Celles-ci furent, par la suite, fortement encouragées sous le gouvernement de Rosas, jusqu'à sa chute, après la bataille de Caseros en 1852.

Le Carnaval était devenu, entre-temps, la grande occasion de manifestations Noires dans la ville. La chute de Rosas, allait annoncer leur déclin et leur disparition. La première Cumparsa apparut en 1858, en 1869, le premier Corso. En 1870 se rajouta le premier défilé de voitures, annonçant un changement significatif d'époque et de traditions.

Un témoin de cette époque : Alfred Ebelot arrivé en Argentine en 1870, date à laquelle seraient apparus les premiers Tangos. Du carnaval de cette année là, il  retient l'anecdote suivante : le Président Sarmiento passe en voiture près du Carnaval, ... et se fait copieusement arroser. La foule y prit plaisir autant que lui-même et un ancien Ministre des Affaires Etrangères qui se trouvait à proximité, vint lui prêter main-forte, tous deux s'activant à riposter. La chose était normale, le Carnaval se passant dans la période chaude de l'hémisphère Sud et la principale activité était de s'arroser pour résister à la chaleur. Cette année là, il se "civilisa" : on s'arrosa avec des espèces de grosse seringues, ou plus sophistiquées pour les dames, le Pomito, et non plus à coup de lances d'incendie, de seaux et de récipients en tout genres comme l'année précédente. Les festivités "aquatiques" étaient venues remplacer les cavalcades et jeux équestres, mais les gauchos avaient disparus des manifestations. Les bals publics dont le principal se tenait au Théâtre Colon, avaient perdu leur côté élégants pour devenir plus populaires.

Les Cumparsas et Murgas  Laissons la parole à Alfred Ebelot : "Il y a encore des Comparsas (ensuite devenu Cumparsas, orthographe sans doute latinisée par les immigrants italiens). Il y en a encore beaucoup, il y en a trop. La chose est restée populaire, elle l'est devenue à l'excès. Ils sont tous déguisés en nègres, ont tous les mêmes bottes molles, les mêmes justaucorps douteux. C'est monotone à en crever. Il n'y a pas de danger qu'on les admette dans les salons. Ils paradent, ils s'exhibent, ils paradent, ils paraissent très fiers de la couche épaisse de suie dont ils sont barbouillés. Peut-être qu'ils y gagnent. Ils ont l'air de s'amuser, ils ne sont pas amusants.

Ah! c'était autre chose jadis que la Comparsa des étudiants de Salamanque, par exemple, tout en velours noir, bas de soie noire, souliers à boucles d'argent, et sur le chapeau les armes de la corporation ... Ils n'avaient que des instruments non criards, des flutes, des violons, des hautbois ... En somme le carnaval de la rue n'existe plus ...(tout juste reste t'il) un Corso, un défilé de voitures ... Le carnaval de Buenos Aires est comme le Carnaval de Bordeaux, c'est à dire rien."

Médaille du Roi du Carnaval / Buenos Aires 1873 / Collection D.Lescarret

De ce récit il faut retenir qu'aux alentours de 1870 le Carnaval, institution Européenne et blanche, où étaient admis les groupement de noirs pendant l'époque de Rosas, est passé progressivement d'une fête populaire spontanée touchant toutes les couches sociales, Espagnole dans la tradition et Criolla par la présence des Gauchos, à une fête organisée, animée essentiellement par les étudiants et les couches les plus populaires, et ensuite à un simple défilé de voitures. Les noirs ont quasiment disparus (on en trouve plus une seule trace en 1900), remplacés par des étudiants aux visages peints. Les classes les plus aisées se retrouvent dans des clubs, le plus connu semblant être le Club del Progresso, c'est la fin d'une tradition véritablement populaire touchant toutes les couches de la population. A noter que la tradition des Comparsas et Murgas (apparues pour ces dernières à Montevideo, et en provenance de Cadiz par le biais des Zarzuelas, seulement aux alentours de 1906) continue toujours actuellement en Espagne et que le carnaval revit de nouveau dans le Rio de la Plata.

Nous sommes en 1870, les immigrants arrivent par milliers, la guerre de la Triple Alliance se termine, les noirs ont quittés Buenos Aires décimés par l'épidémie de fièvre jaune, les Gauchos sont chassés de la Pampa, et dans les dix ans qui suivent la plupart, vont finir d'être exterminés durant la " Conquête du Désert ", l'Argentine rentre dans une nouvelle histoire. Simple défilé de voitures, le Carnaval des rues allait perdre tout son cachet et allait devoir se réfugier dans les clubs.

Carte Postale - Le Carnaval (alentours 1910-1920)   - Collection D.Lescarret

Extraits Bibliographiques :

- L'Histoire - Numéro Spécial "La Vérité sur l'Esclavage" Octobre 2003

- Histoire de Buenos Aires / Carmen Bernand / Poitiers, Fayard 1997

- La Pampa - Alfred Ebelot / Paris, éd. Zulma, 1992 (1ère ed. Buenos Aires 1890)

- Carnaval y modernización , Impulso y freno del disciplinamieno 1873-1904 - Milita Alfaro / Edit Trilce 1991

- Murgas,la representación del Carnaval - Gustavo Diversio / Talleres Coopren, 1989

- Cosas de Negros / Vicente Rossi / Cordoba Argentina 1926 / réedit Hachette Buenos Aires 1958

- Le Jazz Orphelin de l'Afrique - René Langel / Paris, éd Payot 2001

 

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