Danseront-elles ? page 2 : un recueil d'interviews ... haut en couleur !  Un chapitre de l'histoire du Tango ...

Allez-voir la page 1 : on y apprend (avec délice), les nombreux ravages occasionnés par la pratique de cette danse : maladies multiples, dégénérescence, tendance au lesbisme, stérilité, alcoolisme, le tout étant probablement le fruit d'un complot des bolcheviques... !

Il est donné, suivant le Menu ci-dessous, des extraits de chaque interview, en donnant la teneur générale et les points de vue les plus caractéristiques. La totalité des textes est accessible en cliquant sur le lien proposé à la fin de chaque paragraphe.

- Gabriel de Lautrec Ecrivain, "Prince des humoristes", et Traducteur
- Professeur Albert Leclère, Médecin et Philosophe
- Sébastien Charles Leconte, Président des Poètes français, Critique, Président Tribunal de Nouméa
- Mme G. Lefort, Présidente de l'Académie des Professeurs de danse
- M. Maurice Level, Romancier dramaturge
- M. Victor Margueritte, Romancier, auteur de "La Garçonne" et frère de Paul Margueritte
- M. Eugène Marsan, Critique littéraire, Directeur de la Revue Critique des Idées et des Livres
- M. Camille Mauclair, Romancier, Poète, Historien d'Art, Critique littéraire
- Mme Hélène Miropolsky, Avocate, Membre du barreau Parisien
- Docteur Pages, Docteur en Médecine, célèbre Hygiéniste, Spécialiste de la culture physique
- M. le Professeur Pinard, Docteur en Médecine, Physiologiste
- Marcel Prévost, Romancier, Auteur dramatique : "Les Demi-vierges" et "Les Lettres à Françoise"
- Mme R... Directrice Institution de jeunes Filles, et Mlle S. R... Professeur de Danse
- M. Paul Raymond, Président des professeurs de danse
- Paul Reboux, Ecrivain, Peintre, Critique littéraire et gastronomique, Auteur de livres d'histoire naturelle
- M. Antoine Redier, Romancier, Directeur de la Revue Française
- Mlle Henriette Régnier, Danseuse, Professeur à l'Opéra
- M. Riester, Professeur de danse à Saint-Cyr et à l'Ecole Polytechnique.
- Mme Yvonne Sarcey, Ecrivain, Critique, Créatrice avec son mari Adolphe brisson des "Annales Politiques et Littéraires" et Fondatrice des "Maisons Claires", destinées à abriter les enfants des soldats morts au combat
- M. le Pasteur Soulie, Président de la « Société des Amis de la France »
- M. Martial Teneo, Bibliothécaire de l'Opéra, Historien, Critique dramatique et littéraire
- Tancrède Martel, Ecrivain, Maître du roman historique
- M. Edmond Teulet, Chansonnier, Secrétaire général des Poètes français, Rédacteur en chef des "Heures de Paris"
- M, Gabriel Timmory, Dramaturge, Enseignant, Journaliste, Conférencier et Scénariste
- Léon Treich, Chroniqueur littéraire de l' « Eclair »
- M. Albert Willemet, Ecrivain, Poète, Fantaisiste et Journaliste
- Conclusion de Jose Germain

- Conclusion de l'auteur de cette page : D. Lescarret

Pour allez sur la page 1

Gabriel de Lautrec

... ce doit être avant le déluge que Noé planta la vigne, inventa le vin et s'en offrit de quoi inventer (également) la première danse, prélude à un sommeil réparateur. En ce temps-là, la danse fut créée pour faire des enfants; elle fut une préparation aux rites de l'Amour...

... soudain le ton change, il se hausse, s'anime, devient sévère :

— Ces vieilles danses, c'était le goût français, c'était le bon goût. Car je suis français, N.. de D.. ! Et je n'admets pas que nous acceptions ces danses de sauvages argentins ou br /ésiliens que des nègres nous font danser.

Ces danses sont parfois comme la morphine et elles ont leurs passionnées fébriles qui se sont trouvées insidieusement pénétrées par ce poison. D'ailleurs, il y a des gens à qui la morphine ne réussit pas et que cela rend malade pendant trois jours. Eh bien, j'ai observé le même phénomène pour la danse. Il y a des individus chez qui le phénomène d'empoisonnement s'avère immédiat aussi bien pour la morphine que pour la danse. Et les victimes ont été vivement guéries. En somme, ces danses sont, ou la cause, ou l'effet d'un bolchevisme.
Donc, à bannir...

NDLA : comme quoi on peut être "Prince des Humoristes", disciple d'Alphonse Allais, encensé par Courteline, et réagir comme n'importe quel crétin réactionnaire : de quoi réfléchir à qui, dans notre société, on doit donner la parole...

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M. le Professeur Albert Leclère

Nous aurions souhaité obtenir pour nos lecteurs le développement d'une opinion émise par le Docteur Professeur Albert Leclère dans la Revue Philosophique. La direction de la Revue nous a fait part de la mort de son éminent collaborateur et nous ne pouvons que citer textuellement ce qu'en août 1920 exprimait le médecin-philosophe.

« La danse est principalement dans certaines conditions et à certaines époques, un moyen de jouissance sexuelle plus ou moins hypocrite ; telles danses actuelles, de provenance argentine, sont tout simplement une manifestation de satyriasis.

« Plus logiques, les sauvages font expressément de leurs danses auxquelles ressemblent telles des nôtres une préparation directe à l'œuvre de chair. »

Il ajoute : « Récemment, un prince hindou qui voyait danser des Européens, disait : — C'est très joli, mais pourquoi tous ces gens font-ils cela debout et non couchés? » 

NDLA : satyriasis : n'ayons pas peur des mots. Comme si l'on allait danser mû par une frénésie sexuelle indomptable ! En dehors de cette outrance du propos, le reste demande une réflexion impartiale et plus approfondie : une jouissance sexuelle plus ou moins hypocrite ? Ce n'est peut-être pas impossible dans certains cas particuliers ...

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Charles Leconte

Au très grand poète du Masque de fer et du Sang de la Méduse, au président des Poètes français, au critique de la Victoire, enfin, au bienveillant président de Tribunal, nous avons posé la question : « Que pensez-vous...? etc..

Et « tous les quatre » ont (ou a) répondu par un éclat de rire et ce mot :

— Mais, je n'ai jamais mis les pieds dans un dancing.

— Prenez garde, mon cher Maître, ça va venir. Effectivement, de la salle de banquet d'où nous sortions (Charybde), nous allâmes tomber dans un dancing (Scylla). Tels sont les hasards de l'interview... Ayant donc échappé aux pieds dévastateurs de nos turbulents voisins, nous pûmes reprendre la conversation.

— Alors, comment les trouvez-vous ces danses?...

— C'est de... l'Amour vertical. Tranquillisez-vous, le mot n'est pas de moi ; mais c'est mon opinion pourtant.

— Donc, l'influence au point de vue de la famille vous apparaît déplorable.

— Sans aucun doute. Pour me résumer : Il est vrai que je ne connais pas le dancing ni les danses nouvelles ; mais je n'ai pas besoin de les connaître. Il est de cela comme de la morphine et de la coco, je ne les connais pas personnellement au point de vue des effets, mais il me suffit de savoir que c'est un poison.

Il faut proscrire ce qui tue. Qu'on rende au bouge ce qui appartient au bouge.

NDLA : jugement surprenant de la part d'un homme pourtant réputé pour sa tolérance... Quant à l' "Amour vertical" on attribue ce bon mot à la Comtesse Mélanie de Pourtales ; un journaliste américain lui avait trouvé un pendant : "le Tango : l'expression verticale d'un désir horizontal"...

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Mme G. Lefort

A son cours de danse du boulevard Saint-Denis, nous sommes allés interviewer Mme G. Lefort, Présidente de l'Académie des Professeurs de danse, auteur de danses nouvelles et compositeur de musique...

... Dès qu'eut été exprimée la nature de notre mission, notre très distinguée et souriante interlocutrice nous dit qu'elle était enchantée de pouvoir s'expliquer là-dessus.

— A votre connaissance, lui demandons-nous, y eut-il des excès?

— C'est vrai, il y eut de nombreux excès et la danse ne fut qu'un prétexte commode à tout ce que l'on voulut... Heureusement, et même dans les dancings, il y a une réaction contre la mauvaise tenue qui était — si l'on peut dire — de mise courante, il y a deux ans. Et je ne parle pas des dancings des plages. En vérité, le monde à ce moment-là se tenait mal, et les pauvres professeurs qui exigeaient de la tenue avaient bien de la peine... >

— Quelle est la tenue actuelle?

— On danse en station droite seulement, sans aucun mouvement du corps; le joue à joue a disparu; l'enlacement de trop près est prohibé. Entre les deux danseurs, la distance est d'environ dix centimètres ; plus de contact corps à corps.

— En somme, le caractère d’intimité scandaleuse semble, grâce à vos soins, avoir été banni?

— Dans les danses dites modernes, comment le cavalier dirige-t-il la danse? Est-ce avec les jambes?

— La réponse est facile. Voulez-vous bien vous prêter à l'expérience?

J'ai accepté et le Professeur, se plaçant devant moi à vingt centimètres de distance, me dit :

« Je vais faire le cavalier, laissez-vous guider, vous vous rendrez compte.» Effectivement, la main droite de « mon cavalier » — si je puis ainsi m'exprimer — s'étant placée derrière mon omoplate gauche, j'ai été parfaitement guidé dans tous les mouvements en tous sens et à une distance vraiment respectable.

— ... Dites-le bien. Il faut exiger la distance entre les danseurs. L'Art le veut, et la danse, le goût français et les convenances sont d'accord avec l'Art...

— ... Et on ne reconduit plus la dame à sa place ?

— C'est la marque distinctive de l'époque. Dans les dancings, on laisse la dame sur place. Ici nous obtenons que les élèves reconduisent et remercient. Toutefois, on reconduit maintenant sans donner le bras...

NDLA : Beaucoup de choses intéressantes dans cet interview. Concernant la tenue : l'axe préconisé est vertical et non plus le cavalier penché sur sa danseuse ; c'est les prémisses du futur tango de style salon. Ensuite, le ventre-à-ventre disparait et une certaine distance s'installe entre les danseurs. Enfin, et ce n'est pas le moins intéressant, le guidage s'effectue avec le br /as contre l'omoplate, et non plus par la jambe du cavalier entre celles de sa danseuse. Dernier point : on ne reconduit plus la dame à sa place ; pourtant l'usage perdure encore aujourd'hui dans certaines Milongas argentines, même s'il a tendance à disparaître actuellement..

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Maurice Level

Maurice Level avait complètement terminé ses études médicales lorsqu'il commença la littérature par cette nouvelle en coup de tonnerre : "Les mouches de rubis". Je lui rappelai et ce fut l'occasion de poser la question Danse au physiologue.

« Ecoutez ceci, me dit-il. Histoire vraie. En visite, une dame — du meilleur monde — se plaint, à une amie, de gêne ou maux d'estomac, pesanteur; l'amie touche la partie intéressée et constate :

— Mais vous êtes nue sous votre robe... vous devriez porter ceinture ou corset pour maintenir les organes.

— Plus souvent, répond la malade — danseuse émérite — plus souvent que j'irais frotter quelque chose de dur contre le ventre de mon danseur. Ceci dit sans aucune malice.

— Y a-t-il donc une telle différence entre l'influence des danses actuelles et celle des danses anciennes?

— Au moins dans la manière. Autrefois, on dansait pendant quatre mois de l'année, deux fois par semaine. Et, au cours d'une même nuit, une jeune fille ne devait pas danser plus de trois ou quatre fois avec le même danseur; elle eût été montrée au doigt. Aujourd'hui, on danse tout le long de l'année. On danse après déjeuner, après le thé, après dîner, après souper; bref, tout le temps. Une excitation créée n'a pas le temps de s'éteindre qu'une autre est née, puis, une autre avant que celle-ci disparaisse...

... Enfin, l'autre cause, la plus importante, c'est la légèreté des robes. Autrefois, on avait corset, ceinture, dessous; aujourd'hui, la femme est comme au temps du Directoire, à peu près nue sous sa robe et ma foi quand sonne le quart d'heure du muletier, la défense devient malaisée.

La danse moderne n'est qu'une pure préparation à quelque chose de plus intime, sur quoi il faut tirer le rideau.

NDLA : Deux choses très intéressantes, mises en exergue dans cet interview : d'abord la légèreté des robes, et l'abandon du corset. Contrairement à ce qui est souvent dit, ce n'est pas l'arrivée du tango qui influença ainsi la mode, mais à la fois un certain goût de l'orientalisme qui suivit la découverte des Ballets Russes, mais surtout le changement radical de la position de la femme dans la société, celle-ci découvrant le sport (Suzanne Langlais pour le tennis), les bains de mer et autres activités physiques auparavant réservées aux hommes; c'est aussi la période des "sufragettes" et des premières femmes pilotes d'avion. La robe en photo, dessinée par Paul Poiret en 1910, s'inspire à la fois de cet Orientalisme à la mode à l'époque, et de la grande liberté de mouvement conquise par les femmes pendant cette période : elle était entièrement en soie, et ne pouvait être associée, de ce fait, à un quelconque corset. L'autre point intéressant concerne ce qui fut appelé la " tangomania ", frénésie de la danse  qui se pratiquait jour et nuit..

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M. Victor Margueritte

Le romancier de ce livre passionnément discuté, la Garçonne, Victor Margueritte, philosophe profond et apitoyé, généreux avocat de toutes les causes émouvantes, a bien voulu répondre à notre enquête.

— Mon cher Maître, pourriez-vous répondre à la question concernant l'influence qu'ont pu avoir sur nos mœurs les danses dites modernes et qui sont d'importation sud-américaine.

— A quels points de vue, cette influence ?

— Tant au point de vue physiologique qu'au point de vue psychologique et aussi bien à celui de l'individu qu'à celui de l'ensemble.

— La question est d'importance, mon cher Confrère, et il ne faudrait rien moins qu'un volume pour répondre à votre enquête sur les danses exotiques et leur répercussion sur nos habitudes et nos mœurs.

Pour quelques rythmes heureux, et quelque renouvellement aussi de sensation, — car jusque dans le pire il peut y avoir aussi de l'excellent ! — j'estime que cette importation fut en définitive plutôt nuisible, moins par son essence même que par l'excès de sa vogue. Réduites aux scènes de music-hall, les danses exotiques avec leurs criards orchestres n'eussent été qu’un savoureux divertissement.

Le malheur est que le music-hall, c'est aujourd'hui la scène de notre existence même.

Le petit monde, qui se prétend Paris, et qui n'est à coup sûr ni le vrai Paris, ni la France, s'agite ainsi jusque sur le parquet de nos salons, comme sur « les planches ». Il n'y a plus, dans ce milieu, ni jeunes femmes, ni jeunes filles : rien qu'un tourbillon de sexes. Apre besoin de jouir, propre aux veilles et aux lendemains de cataclysmes, et sarabande éphémère, dont il ne convient pas particulièrement de s'émouvoir.

La grande chanson de l'Internationale montant demain des poitrines de ceux qui peinent balaiera, de son large souffle, le sautillement nègre des shimmys. Déjà décroît, avec la fureur des danses, le spasme désordonné de leurs musiques.

NDLA : Dommage d'être partisan des causes perdues, soutien de ceux qui peinent et avoir un discours rétrograde et raciste : nul n'est parfait ! Son pacifisme convaincu lui fit faire les mauvais choix, au début de la seconde guerre mondiale, mais il nous laissa le magnifique roman " La garçonne " , qui fit, à cause du scandale qu'il causa, qu'il lui fut retiré la Légion d'honneur. Son frère Paul, écrivain également, nous laissa avec le Roman " Jouir " une description précise des mœurs dans lesquelles s'inscrivit la mode du tango...

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M. Eugene Marsan

Nous sommes allés visiter le critique averti et le fin lettré qu'est le directeur de la Revue Critique des Idées et des Livres. Sur notre question relativement aux danses modernes, il nous a dit :

— Je connais la danse et je suis un ennemi de la danse. C'est très amusant pour le jeune homme, cela ne l'est guère pour le père de la jeune fille. Et spécialement les danses modernes avec les contacts, les trémoussements, les frottements trop proches constituent, selon le mot de brantôme, une véritable « fricarelle ».

— Donc vous croyez à l'effet physiologique morbide ?

— Il y a un effet physiologique certain. La jeune fille, n'ayant que cette satisfaction, s'en contente tant bien que mal, mais arrive à être dans un état d'excitation dangereux. Le jeune homme, lui, peut trouver ailleurs des dérivatifs. De sorte que la danse est plus nocive pour la jeune fille. Remarquez bien ceci : je ne suis pas ennemi de la vie élégante, mais de la grossière incorrection sous des dehors hypocritement élégants. Je dois reconnaître, d'ailleurs, qu'il y a eu de la part des maîtres à danser un sérieux effort vers la correction et j'en connais plusieurs qui prescrivent entre les danseurs une distance égale à l'épaisseur du br /as (replié au coude).

NDLA : "fricarelle" : vient de frico, frotter en latin, dont le participe passé, frictus" donna le mot français "friction"...

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M. Camille Mauclair

Si j'ose me risquer à formuler un avis, je dirai que la danse actuelle est immorale. Et je n'entends pas par-là incriminer la façon elle-même de danser, et telle ou telle danse : ne pratiquerait-on que la valse à deux temps ou la polka de jadis, mon opinion ne varierait pas.

Le fond de la question, à mon sens, c'est la persistance imbécile de ce gigotement général qui dure depuis sept années. C'est le fait même de n'en plus finir de danser qui me paraît immoral, ou bête, comme on voudra, car je juge immoral tout ce qui est bête...

... Une danse, ce n'est qu'un geste : la réelle immoralité est dans l'inconscience de tous ces agités qui cherchent, dans ce tournoiement de derviches, l'équivalence d'une prise de cocaïne.

... J'ai peu de temps et peu de goût pour aller voir ces choses. Je les ai assez vues pour avoir été frappé par l'aspect hagard, niaisement fataliste et infiniment morne de ces couples qui reviennent au dancing comme à une sorte de bureau. Ils ne s'amusent pas, ces gens-là; ils semblent envoûtés...

... comme sensualité, hélas, la vue de ces « tangoteurs » est un vrai remède contre toute velléité érotique.

Il y a là des dames fringantes qui inspirent l'amour désespéré de la chasteté...

NDLA : Camille Mauclair n'aime la danse, mais le jugement de cet écrivain renommé, disciple de Mallarmé, et critique d'art avisé, n'est pas inintéressant dans la mesure où ses critiques sont encore formulées par certains aujourd'hui...

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Maître Hélène Miropolsky

A Maître Hélène Miropolsky, la plus charmante incarnation du barreau parisien en même temps que la plus élevée en autorité au point de vue féminin, nous avons demandé son opinion sur l'influence des danses modernes importées. Voici textuellement ce qui nous a été répondu :

— N'exagérons pas, je vous en prie, l'influence fâcheuse des danses exotiques modernes. Consultez non pas les vulgaires professionnels, non pas les contempteurs systématiques du temps présent, mais les amateurs exercés en cet art. Ils vous diront que ces danses qui peuvent être — et qui sont — trop souvent osées, licencieuses et ridicules, peuvent être exécutées selon un mouvement gracieux et charmant.

Tout est dans la manière de danser, et tout dépend de l'âme des danseurs. Ne déplaçons pas les responsabilités. Je suis sûre que, si demain la valse redevenait à la mode, non plus le boston d'hier et d'aujourd'hui, mais la vieille valse de nos parents, elle ferait scandale tout comme le shimmy et le tango. Car ceux qui n'aiment pas la danse pour elle-même seront tout aussi indécents sur l'Air du Danube bleu que sur le rythme cadencé du Relicario

NDLA : Féministe intelligente et mesurée, Hélène Miropolsky fut la première femme avocate à plaider en France; elle fit carrière à la Cour d'appel de Paris. ...

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Docteur Pages

Le Docteur G. -G. Pages, célèbre hygiéniste, qui est probablement le plus savant professeur de culture physique que nous ayons en France, devait être interrogé avec fruit...

— Docteur, l'influence des danses modernes n'est-elle pas, au point de vue des résultats, à l'inverse d'une méthode rationnelle de culture ?

— Exactement à l'inverse; celle-ci tonifie, celles-là délabrent : celle-ci rajeunit, celles-là vieillissent. Telles qu'elles ont été dansées dès après l'armistice et pendant deux ans dans les dancings, les danses originaires du Sud américain ont réalisé dans la mesure du possible, leur destination première de danses de rut. Il semble, en effet, que tout y ait été prévu pour favoriser une excitation. Les contacts prolongés du corps qui étaient jadis une indécence, y sont intimes et continuels...

— Et les danses plus anciennes ?

— Il y faudrait revenir, et surtout répandre celles où les danseurs se tiennent à distance, comme la bourrée d'Auvergne. Dansée correctement, elle impose dans les attitudes les plus variées une rectitude corporelle qu’aucun autre exercice ne saurait donner avec autant de plaisir... A une époque où l'abcès vénérien est en France le plus grand mal physique, il faut déplorer une mode de danses qui ajoute une excitation à celles que nous tenons déjà du climat, de notre origine latine, de notre bien-être et au rôle croissant de la femme dans la vie courante. Or, l'excitation n'est pas niable. Les régions du corps qu'on applique fortement l'une contre l'autre sont d'une extrême sensibilité, la peau y est très fine et recouvre les muscles de la position et de l'action sexuelle. D'où le danger du mouvement. D'ailleurs, le contact est suivi d'une pression forte qui est certainement l'excitant charnel le plus puissant.

NDLA : Molière n'est peut-être pas très loin, et peut-être que nos médecins traitants pourraient prescrire... la bourrée...? Quant au danger vénérien, allez savoir si l'explosion récente du Sida dans le monde... On n'est jamais trop prudent !...

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Monsieur le Professeur Pinard

Notre enquête relativement à l'effet des tangos, foxtrots, shimmys, n'eût pas été complète si nous n'avions envisagé l'influence possible sur la famille et si nous ne nous étions adressés, à ce sujet, à l'homme illustre qui entre tous en pouvait parler, je veux dire à M. le Docteur Professeur Pinard.

L'éminent Maître physiologiste pressenti là-dessus, a bien voulu dérober à ses absorbantes et si importantes occupations, les instants nécessaires à une réponse écrite. Cette réponse, la voilà :

 « Cher Monsieur, Vous me faites l'honneur de me demander mon opinion concernant l'influence que peuvent avoir les danses « exotiques dites modernes » sur la Famille. Afin de vous éviter tout dérangement, je réponds à votre désir et pour les lecteurs de la Revue Mondiale, par les quelques mots suivants : je considère comme fâcheuse l'importation de ces danses dites modernes. Chez nombre de jeunes filles, elles produisent une excitation déplorable. Autant les antiques et gracieuses danses françaises étaient salutaires à tous les points de vue et particulièrement en préparant et facilitant les mariages, autant ces danses nouvelles sont nuisibles.

En effet, elles sont préjudiciables à la perpétuité de l'espèce et elles amènent par leur excès l'altération de la santé de l'individu. « Veuillez agréer, cher Monsieur, l'expression de mes dévoués sentiments. « Signé : Pinard. »

NDLA : A se demander si la "perpétuité de l'espèce" n'est pas une chose trop sérieuse pour être confiée aux représentants de la médecine...

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Marcel Prévost

A l'éducateur des Lettres à Françoise, nous avons posé la question de l'influence des danses exotiques sur la jeune fille...

— Le Professeur Leclère, dans la Revue Philosophique, parle d'une déformation physiologique et d'une psychose provenant de ces danses spéciales ; il emploie le latin...

— Je sais... Eh bien, n'y aurait-il pas là un peu d'exagération ? ... je ne vous parle pas à la légère de ces danses; je les ai examinées d'une façon très précise... Il m'apparaît donc que — pour qu'il y ait quelque chose de semblable à ce que dit M. Leclère — il faut qu'il y ait volonté des deux danseurs. La volonté d'un seul ne saurait suffire, que ce soit le danseur ou la danseuse... Quant au danger que court la jeune fille, c'est à la mère de famille de se rendre compte et de la parfaite correction du danseur et de l'effet de la danse sur sa fille, de manière à proscrire s'il y a lieu.

— Pourtant la position respective des danseurs dans ces danses nouvelles ?...

— Autrefois, il est vrai, on préconisait la position hanche à hanche ; et la position corps à corps et plus exactement ventre à ventre devient ici une règle. Mais ce n'est pas une règle absolue et je connais nombre de jeunes femmes qui dansent même ces nouvelles danses très chastement. En somme, toujours les danses ont été une introduction à la caresse et ce danger ne tient pas tant à la qualité des danses qu'à ce fait que la femme ne porte plus ni ceinture, ni corset... C'est là qu'est le danger. Et c'est également dans le caractère d'excessive intimité qu'ont pris les danseurs et qui fait que même la polka, même la valse avec les robes actuelles ne seraient pas sans danger...

... En résumé, il faut le consentement mutuel des danseurs pour que la danse soit une introduction à la caresse. Le danger réside surtout dans ce fait que la danseuse sans corset, sans ceinture, est littéralement nue sous la robe et que le partenaire est bien obligé de s'en rendre compte.

NDLA : Une opinion bien mesurée et une analyse intelligente. Toujours cette information intéressante sur la manière dont le tango se dansait en arrivant à Paris : " ventre à ventre ", et cette autre sur l'évolution de la mode...

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Mme et Melle R...

Ayant respectivement une institution et un cours de danse, Mme et Mlle R... ont pu nous fournir des renseignements intéressants. Mme et Mlle R..., à titre documentaire, nous ont signalé la vie dansante au casino de Paramé. La fille danse, la mère va jouer. Une autre jeune fille effectue des promenades en auto avec quelque ami danseur. Où la danse mène-t-elle ? Et où l'auto ?

Mais en général, reconnaît Mlle R..., le dancing est l'école du flirt plus encore que l'école de la danse.

 Réflexion d'une jeune fille, entendue par Mlle R...

— Décidément, je ne danserai plus avec ce monsieur gras : il a le ventre trop mou (sic).

Mlle R... déplore la mauvaise éducation des danseurs. On ne reconduit plus sa danseuse.

On « sème » ou « on plaque » !

NDLA : Comme dans beaucoup d'autres interviews, c'est le dancing, comme lieu mal famé, qui est particulièrement attaqué. Les choses ont-elles changé ?...

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Paul Raymond

Nous sommes allés rendre visite au Président des professeurs de danse...

— Vous savez mieux que moi, sans doute, que les danses nouvelles ont été l'occasion d'excès assez graves?

— Je le sais, nous dit le professeur avec un sourire mais vous pouvez être persuadé que ce n'est pas de ma faute. Avant de donner droit de cité à une danse, avant d'en ordonner les modalités, pour les mettre au goût et à la correction française, il nous faut réfléchir... et puis, il y a des professeurs de danse qui ne sont que des professeurs d'autre chose. Et les dancings dont je ne veux et ne dois pas dire de mal mais, dont certains, ont fait des... En sorte que certains élèves nous reviennent à ce point incorrects ou déformés que nous sommes obligés de leur interdire le seuil de notre porte. Ici, nous avons pu faire une police assez sévère parce que les élèves sont en surnombre et que nous pouvons choisir, mais certains pauvres confrères sans clients ont accepté n'importe qui, dansant n'importe quoi, n'importe comment...

— Pourtant l'origine de ces danses...

— C'est que, justement, nous avons mis tous nos efforts à bannir absolument de ces danses argentines ou autres tout ce qui pouvait leur donner un caractère de lascivité ou d'excitation, et que nous avons dû en cela, dites-le bien, lutter contre les danseurs eux- mêmes, souvent même contre des mères de famille qui sont à ce sujet d'une inconscience et d'une naïveté sans limites...

— Mais l'attitude des danseurs ?

— Précisément à ce sujet, nous avons supprimé ou plutôt nous sommes parvenus à abolir ces trois choses : le joue contre joue, le bras de la dame au cou du cavalier, enfin, le plus grave, le ventre à ventre des deux partenaires.

...Au surplus, c'est une question d'hygiène de ne pas frotter son visage à tout propos pour ramasser sur une jolie peau le dépôt d'une peau suspecte.

NDLA : Toujours le " ventre à ventre ", et l'influence néfaste des dancings...

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Paul Reboux

Le si spirituel lettré des « A la manière de. . . » et de cent petits chefs-d'œuvre de fine observation, de description subtile et de puissant intérêt; l'auteur connu de « Maisons de danses » nous a accueilli avec toute la grâce ...qui est la sienne.

— J'entends quelquefois blâmer la licence du shimmy, du fox-trot et du tango, mais quand je me sens incliné à imiter leurs contempteurs, je me rappelle à temps la phrase de la Baronne qui, dans « Il ne faut jurer de rien », répond à Cécile : « Je ne veux pas que vous appreniez la valse à deux temps, parce que c'est indécent. »

... Il fut une époque, en effet, où la valse, l'honnête et familiale valse, était considérée comme libidineuse. Un temps viendra sans doute où les mamans regretteront l'honnête tango, le loyal shimmy. Ainsi va le monde... Je sais, les bouges argentins ou brésiliens sont les lieux d'élection de ces danses, ils en sont la source et il n'est pas douteux que ceux qui, les premiers, ont dansé ces danses avec leur caractère originel ont poussé ... les choses à l'excès.

Ceux qui commencent une chose apparaissent toujours excessifs à leur époque. Il faut qu'on s'habitue ou qu'on s'adapte. Et si, dans nos salons, nous n'allons pas jusqu'au bout, nul doute qu'il y a des endroits où ou y va carrément. Il y a d'ailleurs et en même temps, et parfois dans ces mêmes lieux où on danse, l'autre danger, l'affreuse coco...

Autrefois, dans les garçonnières, entre cinq et sept, des couples échangeaient des roucoulements du genre de ceux que Paul Bourget a transcrits. Maintenant, entre cinq et sept, les couples tournent au son de l'orchestre sur les parquets des dancings.

L'Amour a mis ses transports en commun

En ce qui me concerne moi-même, il m'apparaît que la danse est un prélude. Or, si je ne suis pas de ceux qui s'écrièrent : « Jusqu'au bout » durant la guerre, cette maxime est la mienne en ce qui concerne les affaires du cœur. Je n'ai dansé qu'une fois, et aussitôt, j'ai épousé ma danseuse. Depuis, je ne danse plus, craignant la loi qui interdit la bigamie.

NDLA : Opinion très mesurée et un mot d'esprit absolument délicieux : "l'Amour a mis ses transports en commun"...

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Antoine Redier

M. Antoine Redier, Directeur de la Revue Française et l'un des meilleurs romanciers de l'époque, a bien voulu nous faire quelques déclarations :

« Il est très délicat, nous dit-il, de parler d'un tel sujet. Ce qu'il y a eu surtout de mauvais dans ces danses, c'est l’époque à laquelle elles ont été dansées... Il n'est pas admissible qu'il y ait eu tant de morts et que les vivants sautent ou dansent.

— Mais les danses modernes n'ajoutent-elles pas un caractère plus scabreux ?

— N'oublions pas les scandales que soulevèrent autrefois la pratique de la valse et même celle de l'innocente polka, laquelle fut frappée d'interdit.

— Mais l'origine des dites danses modernes?...

— Je n'ignore pas cette origine, mais j'ai vu de nombreux accommodements au goût français, d'où il a résulté une correction relative et même dans certains cas, une esthétique réelle et même une remarquable élégance. Il ne me déplaît pas que la danse soit un peu savante et compliquée, et qu'il en faille compter les pas; c'est une chose excellente. Tout entier à la danse, l'exécutant n'a plus le loisir de la dérivation morbide ou amoureuse.

... il est une chose qu'il m'est impossible de considérer avec calme, et c'est que des nègres en riant, criant, gesticulant, font danser des blancs et que ces blancs dansent au commandement parfois sifflé du nègre chef d'orchestre. Ceci m'apparaît intolérable...

... Tout ceci, bien entendu, sous la réserve que ce travail de courtoisie et de grâce polie ait lieu sous l'œil des parents. Je trouve déplorable, en effet, que des jeunes gens aillent seuls au bal et sans être accompagnés lorsqu'ils sont de sexe différent... Car tout de même, l'instinct sans cesse veille et il faut une attention de tous les instants pour en éviter d'excessives manifestations...

NDLA : Une remarque fort judicieuse : " Tout entier à la danse, l'exécutant n'a plus le loisir de la dérivation morbide ou amoureuse...encore souvent d'actualité...

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Henriette Regnier

Nous avons voulu joindre à l'avis de tant de célébr /ités celui, précieux entre tous, de Mlle Henriette Régnier, de l'Opéra.

"Le laisser-aller qui s'est implanté chez nous ces dernières années, dans la danse et dans la toilette, a eu de fâcheuses répercussions dans nos mœurs et compte à son actif bien des drames. Les statistiques publiées dans les journaux n'annoncent-elles pas 15.567 divorces pour le dernier semestre de 1921... maintes fois le futur époux s'étant avisé, mais un peu tard, car s'il pouvait impunément presser sur sa poitrine une partenaire, que souvent il voyait pour la première fois, l'idée que celle qui lui est chère, en faisait autant avec d'autres, lui était profondément pénible...

Rappellerai-je aussi cette théorie exposée en plein salon au cours d'une soirée : « Mademoiselle, vous ne danserez jamais bien tant que vous ne voudrez pas comprendre que votre danseur doit vous diriger avec ses jambes. » ...

... Il ne faut pas oublier, en effet, que les danses actuelles datent d'avant-guerre. On prétend bien vouloir amender les danses, ce qui implique qu'elles n'étaient pas d'une correction parfaite, l'on assure que les efforts vont porter sur la réforme de la tenue... si pour les débutants, on obtient une tenue impeccable, il leur sera impossible de danser avec les initiés de l'ancienne méthode, d'où la nécessité d'une réforme radicale de la danse.

Je réponds à votre seconde question. « Pourquoi avez-vous créé des danses de salon? »...

— Parce que bon nombre de mères et de maîtresses de maison, qui reçoivent beaucoup, ont pensé qu'en s'adressant à une artiste de chez nous, qui depuis longtemps a fait ses preuves, elles obtiendraient des danses plus conformes à leurs désirs. C'est ainsi que, forte de cet appui, je me suis mise au travail et que j'ai composé cinq danses dont un quadrille.

NDLA : La Danse responsable de nombreux divorces ... mais aussi de nombreux mariages ... à moins qu'elle ne soit responsable que de ce qui devait de toute façon arriver; encore un indication précieuse concernant ce guidage par la jambe de l'homme entre celles de la cavalière; information intéressante sur les tentatives désespérées des professeurs de l'époque pour créer de nouvelles danses de remplacement : la lecture du texte intégral est intéressante.

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Maurice Riester

Chez M. Riester, professeur de danse à Saint-Cyr et à l'Ecole Polytechnique...

— N'avez-vous pas observé quelques « erreurs » de tenue ?

— Ce sont des coutumes qui ont été ramassées, on ne sait où, et qui, dans certains cas, nous sont revenues. Dans ce cas, M. Riester a été impitoyable et a invité... à ne plus revenir les danseurs incorrects et qui se tenaient comme en certains dancings.

— La tendance est-elle généralement à l'incorrection?

— Certains jeunes gens ont pu croire intéressant de danser comme ils avaient vu danser dans tel endroit douteusement fréquenté...

— Peut-on danser correctement les danses importées?

— Sans aucun doute, et elles n'ont plus avec leur origine qu'une liaison très lointaine. Elles ont, grâce à l'étude sévère d'un certain nombre de professeurs de danse français, subi une révision qui leur a conféré droit de cité, et qui est telle que le censeur le plus sévère n'y saurait trouver à redire.

NDLA : Le Tango "Pasteurisé" ou "Parisianisé" ayant reçu droit de cité : l'influence de cette transformation fut énorme pour faire accepter le Tango partout dans le monde ... y compris dans sons pays d'origine...Notons également en illustration la gravure du bal de l'Ecole Polytechnique de 1884 où l'Abrazo est déjà en place alors que le tango n'est pas encore totalement sorti des limbes de l'autre côté de l'Atlantique...

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Yvonne Sarcey

Mme Yvonne SARCEY, la talentueuse et si charmante fille de celui qui fut « notre Oncle », « notre cousine Yvonne », qui est la grâce souriante en même temps que l'éclat et la maîtrise de l'exquise « Maison des Annales » nous a reçu dans le nouvel hôtel qu'elle s'est choisi. :

— La Revue Mondiale voudrait connaître l'opinion de Cousine Yvonne sur l'influence des danses dites modernes; cette influence ne lui semble-t-elle pas fâcheuse?

— Pas du tout! nous répond notre interlocutrice. Et sur notre mouvement de surprise, elle ajoute : autour de moi, tous les jeunes gens dansent; quand tout le monde est réuni, on danse et je ne vois pas qu'il y ait quelque chose de fâcheux là-dedans.

— Pourtant le dancing...

— J'ignore totalement le dancing. Il est fort probable que cela s'y passe d'une façon notablement différente. J'ai à envisager les danses nouvelles uniquement au point de vue familial. On danse en famille, comme on fait du sport en famille. On ne reçoit que des gens corrects et dont on est sûr, des jeunes gens qu'on a connus tout enfant et qu'on a suivis dans la vie; bref, ne dansent ensemble que des gens qui se connaissent parfaitement et qui sont d'une absolue pureté morale...

— Pourtant, le tango?

— Je vous accorde que je déteste le tango; il n'est pas sportif; il est compliqué, lourd et peu drôle à regarder ; de plus, les danseurs occupés à compter leurs pas — semble-t-il — ont plutôt l'air de ne pas s'amuser. D'ailleurs, ou ne le danse presque plus, et il a été tellement modifié qu'il est presque méconnaissable.

— Il reste cependant que l'origine de ces danses...

Il ne reste rien de ces origines. Dansées chez nous, ces danses ont pris le caractère de chez nous. J'ignore si d'autres milieux plus ou moins sains les ont dansées d'une façon fâcheuse, c'est possible...

... Pour me résumer : les danses modernes ont amené une possibilité d'élégance nouvelle, elles sont plus sportives que les autres, plus distrayantes et, à la condition d'être dansées entre gens d'une parfaite santé morale, elles sont excellentes. Si le milieu est douteux, la danse occasionne des inconvénients, mais toute autre chose en ferait autant. Dansées dans le goût français par des gens purs, elles restent pures.

NDLA : Opinion fort mesurée de la part de quelqu'un qui s'occupe de l'éducation des jeunes filles : lisez l'article intégral, il est plein de sagesse pour l'époque, concernant ce sujet. Pour le reste, on note toujours le côté besogneux des danseurs de tango, occupés à la réalisation de leurs figures, la danse relevant de tout, sauf de l'improvisation. Enfin, là encore, la transformation du Tango, lors de son passage à Paris est particulièrement soulignée.

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M. Le Pasteur Soulié

Nous avons été accueillis d'une façon charmante par le très cordial président de la « Société des Amis de la France ». Dès l'abord, il s'est montré adversaire irréductible des danses argentines.

— C'est là, nous dit-il, une véritable maladie, et il y a lieu, comme dans toute maladie, d'envisager d'abord l'origine puis le remède. Le corps social peut être comparé au corps humain. Quand le corps humain est débilité, la maladie l'atteint plus facilement et le microbe s'y implante d'autant mieux qu'il n'y a pas de défense. Ainsi observe-t-on des vertiges, une fièvre qui peut monter avec violence, mais qui redescend presque aussi vite dans un corps qui ne doit pas mourir ; ainsi a-t-on pu voir dans le corps social le vertige morbide par les danses et l'organisme presque tout entier s’enfiévrer; mais, actuellement, des éléments sains ont repris le dessus, et la fièvre graduellement s'abaisse.

Telle fut l'origine du mal : la fièvre de l'amusement et des danses attaquent le corps social débilité par la guerre. Et maintenant le remède. Il faut que les éléments sains développent autour d'eux le sentiment de la pudeur. Il faut montrer à la jeune fille ce qu'est le mariage. Quand les vestiges du passé, la tradition, le culte de l'ordre nous montrent la nécessité de la correction et de la pureté de la vie, et que l'observation que nous pouvons faire de ces danses exotiques nous les fait voir sous leur véritable aspect qui est celui du bolchevisme.

La crise que nous subissons est celle des anciennes disciplines, elle tend à ruiner toutes les forces traditionnelles organisées : la famille, la société, la religion. C'est ainsi que le bolchevisme ne reconnaît pas le mariage ; il ne veut pas de la pudeur, et s'efforce de détruire chez l'enfant le sentiment de la pudeur en créant une invraisemblable liberté de mœurs.

— Et avez-vous observé autour de vous quelques effets fâcheux causés par ces danses ?

— Je n'ai pas eu à les observer. Tout ce qui est sain et pur a de la répugnance pour ce qui est malsain. Assez facilement d'ailleurs, je suis parvenu à refouler la vague dansante, malsaine; et, sur les personnes qui m'entourent et qui vivent dans le culte de l'ordre et de la tradition, un seul mot a suffi : le mot « bolchevisme ». De sorte que l'offensive dansante dans les milieux des « Amis de la France » n'a pas eu de résultat.

Il y a plus à dire : au point de vue du rayonnement de la France à l'étranger, il serait temps enfin de détruire cette légende pernicieuse de Paris Babylone moderne. C'est une chose fausse, disons-le; mais tenons-nous bien, voilà le meilleur moyen d'être respectés au dehors.

Ce qu'il faut enfin, c'est créer des centres comme nous le faisons ici, des centres où des jeunes gens réunis autour d'une tasse de thé apprennent à se connaître sous l'angle familial.

NDLA : Le tango, fruit d'un complot des bolcheviques, il fallait oser ! Comme quoi, même autour d'une tasse de thé, on peut en dire des c..eries quand on prétend régenter la vie des autres...

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Martial Teneo

M. Martial Teneo, bibliothécaire de l'Opéra, qui est un savant historien en même temps qu'un critique dramatique et littéraire vigoureux, nous a réservé le meilleur accueil.

— L'effet de ces danses modernes?

— Elles sont pernicieuses physiologiquement, il n'y a pas de doute. La plupart des danseuses subissent un détraquement plus ou moins prononcé, si elles dansent abondamment. Pour la jeune fille, c'est un danger constant et elle prépare la femme à être un jour entraînée hors de son milieu et à délaisser la famille. Ces danses sont un fléau... [Des amis médecins me] signalent les choses avec une crudité telle que je crains que les termes d'une interview n'en soient excessivement... corsés. Témoin cette dame pour qui la danse fut une révélation que, dans son mariage, le... reste n'avait pas été consommé. Je parle de tango, fox-trot, etc...

... Côté jeunes filles, on observe ceci : les grands couturiers se plaignent de ne plus trouver de mannequins. Ces belles filles élégantes ont trouvé plus amusant et lucratif de devenir danseuses ou maîtresses de danse...

... Vous citerai-je le cas d'une famille complètement saccagée par la passion de la danse; une jeune femme abandonnant mari et enfant pour se livrer à la danse et ceci, de plus en plus, jusqu'au jour où elle abandonne à jamais le domicile conjugal... Et j'en ai d'autres

NDLA : Avis à vous Mesdames, si vous doutez des performances de votre mari, n'hésitez pas ! Dansez le tango, vous en saurez davantage...

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Tancrede Martel

Le noble littérateur Tancrède Martel, qui vient d'obtenir le fameux prix Lasserre, a bien voulu répondre à notre enquête sur les danses exotiques.

— Depuis longtemps, « j'ai dans le nez », comme on dit, les danses exotiques. Qu'elles soient sud-américaines ou anglaises, noires ou blanches, je les tiens pour inférieures de beaucoup aux danses françaises. Tous ces trémoussements de salons et de villes d'eaux sentent l'aventurier et le rastaquouère.

Il m'a suffi de voir exécuter l'immonde tango et le cynique fox-trot pour être fixé sur la grossièreté, la brutalité, le manque complet d'esthétique de ces prétendues danses. Prenons-les pour ce qu'elles sont : des contacts et des attouchements... Ceci... devient plus qu'un délit, un véritable crime pour les pères et les mères lorsqu'ils n'en appellent pas à leur autorité en vue de défendre à leurs filles ces danses aussi laides et sottes que bestiales... Qu'on le sache bien : l'élégance et le goût font encore partie de notre patrimoine national ; et nous devrions y regarder à deux fois avant d'admettre chez nous les excentriques et obscènes danses étrangères.

Déjà se multiplient chez certaines jeunes filles des défaillances morales, des énervements physiques, qui leur viennent surtout du tango et du fox-trot. Il est donc temps de réagir contre ces malpropres divertissements nés du plus grossier matérialisme ou d'une répugnante hypocrisie.

On a constaté avec chagrin que la politesse française diminue de jour en jour et que — si cela continue — elle aura bientôt disparu. Pour moi, j'en ai la conviction, cet affaissement d'une de nos plus anciennes vertus nationales date du jour où la stupide Matchiche et le malfaisant Tango se sont glissés dans Paris et y ont trouvé des fanatiques parmi les snobs, les coureuses, les détraquées...

NDLA : On dit que les gens du Sud sont plus décontractés : voilà un Marseillais qui ne l'est guère. pourtant il était ami avec Richepin qui défendit si bien le Tango à L'Académie Française... Comprenne qui pourra...

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M. Edmond Teulet

A l'ancien chansonnier du Chat-Noir, secrétaire général honoraire des poètes français, rédacteur en chef des Heures de Paris, enfin et surtout au metteur en scène de tant de pièces nouvelles, nous avons demandé son opinion. Il nous a répondu :

« La polka et la valse peuvent être dansées incorrectement. Par contre, le shimmy peut être dansé correctement. La question de l'origine ne compte pas ; plus exactement, elle ne compte plus. La danse vient en France, elle y fait son accommodation au goût français et, dansée par des Français, elle est correcte ou doit l'être. Il est vrai qu'il faut distinguer, et que la danse du salon, celle du dancing et enfin celle des Folies-Bergères sont quelque chose d'assez différent, quoique portant le même nom.

« Quoi qu'il en soit, je tiens pour certain qu'un effort sérieux a été fait vers une manière plus correcte de danser et le résultat en est que je connais des danseurs convenables et chez qui l'observateur le plus sagace n'aurait rien à reprendre.

NDLA : Comme souvent humoriste rime avec intelligence et prise de recul par rapport aux préoccupation contemporaines. Encore un témoignage sur la transformation du Tango...

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Gabriel Timmory

Le spirituel et narquois auteur des fins dialogues satiriques de « On danse » et de tant d'autres romans, dialogues ou contes gais nous a dit qu'il ne prétendait nullement s'en prendre aux danses modernes...

... Quand nous lui parlons de l'influence des danses sur l'époque : « Etes-vous sûr, nous dit-il, que ce ne soit pas plutôt l'époque qui ait influé sur les danses? Les années qui ont succédé aux périodes troublées ont toujours présenté des réactions excessives de la vie et une tendance démesurée à l'amusement. En sorte qu'il est préférable que cette liberté d'allures s'exerce en public plutôt que dans le privé où elle donnerait lieu à des abus autrement graves. Les dancings reçoivent de 5 à 7 des visites que les garçonnières recevaient autrefois. La morale y gagne !...

... « Tout naturellement, nous avons été conduits à l'orchestre nègre. Avant la guerre — car déjà avant la guerre, on dansait le tango — les pitoyables et malheureux pianistes qui moulaient avec un air d'ennui définitif les airs de polkas, mazurkas, semblaient tellement absents et sans gaîté qu'on ne résista pas au plaisir de s'entourer de visages un peu plus souriants. Et c'est ainsi que les tziganes avaient peu à peu remplacé, dès avant la guerre, les tristes coureurs de cachet...

... La guerre arrivée, tous ces gens durent rentrer chez eux, car ils étaient, en général, originaires de pays en guerre avec nous. Il fallut les remplacer et on songea à leur substituer l'orchestre gai du Jazz-band, orchestre dans lequel tous les nègres ont l'air de s'amuser follement.

« Ils créent eux-mêmes cette excessive animation. La fin de la guerre étant venue et le besoin d'animation et de plaisir qui est à la fin de toutes les grandes catastrophes s'étant manifesté, les danses ont sans doute servi à canaliser utilement et de façon relativement décente les manifestations d'une expansion excessive.

NDLA : Le Tango : un "5 à 7" collectif : cela mérite réflexion, même pour les pratiques d'aujourd'hui... Des informations intéressantes dans cet interview concernant les musiciens : les iconographies de l'époque, montrent des orchestres noirs de jazz-band, jouant du... Tango pour les danseurs. Il est bien évident que l'on ne pouvait changer d'orchestre par type de morceaux et que tous les musiciens, quelque soit leur origine, étaient polyvalents

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M. Leon Treich

Léon Treich, chroniqueur littéraire de l' « Eclair ».

L'Opinion a cité, sur la question des danses modernes, cette lettre, au moins amusante : «Mademoiselle, je vous prierai de ne pas vous étonner si je ne poursuis pas l'intention que j'avais de demander votre main. Mais vous ayant vue, hier soir, danser le tango avec M. X..., je m'en voudrais de me substituer à lui pour terminer ce que vous avez si bien commencé cette nuit ensemble

Le jeune homme qui écrivit ces lignes n'avait point lu certainement la « Physiologie du mariage » du grand Balzac ; hâtons-nous de l'y renvoyer : « Les meilleures têtes de l'Europe sont convaincues que toute danse porte en soi une qualité éminemment réfrigérante. En preuve à cette affirmation, observons ceci : la vie des pasteurs donna naissance aux amours déréglées. Les mœurs des tisserandes furent horriblement décriées dans la Grèce. Les Italiens ont consacré un proverbe à la lubricité des boiteuses. Les Espagnols, dont les veines reçurent par tant de mélanges l'incontinence africaine, déposent le secret de leurs désirs dans cette maxime qui leur est familière : « Mujer y gallina pierna que brandata, Il est bon que la femme et la poule aient une jambe rompue. » La profondeur des Orientaux dans l'art des voluptés se décèle tout entière par cette ordonnance du calife Hakim, fondateur des Druses, qui défendit, sous peine de mort, de fabriquer dans ses États, aucune chaussure de femme. Il semble que, sur tout le globe, les tempêtes du cœur attendent, pour éclater, le repos des jambes. Quelle admirable manœuvre que de faire danser une femme et de ne la nourrir que de viandes blanches ! »

D'ailleurs, bonnes ou mauvaises, est-ce bien la question ? Et, comme dit à un docteur trop sévère, la jeune et honnête dame de Bonaventure des Périers : « Pensez-vous ôter les plaisirs de ce monde? »

NDLA : Moralité : plus on danse, moins on est infidèle, ou le Tango comme ersatz à l'adultère, plaisir hypocrite de se lover dans les br /as d'un autre homme que le sien, sans pour autant, aller plus loin... à réfléchir...

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M. Albert Willemet

Il nous a paru intéressant de demander son opinion à notre collaborateur Albert Willemet. Le poète et fantaisiste des "Divagations de mon ami Gringor" ne pouvait manquer de nous donner sur ce sujet une déclaration circonstanciée et originale. Venant après l'opinion autorisée de tant de gens illustres, l'interview de l'humble rimeur va, certes, bien manquer de poids. Mais c'est peut-être ce qu'il faut... Ne s'agit-il pas de danses un peu légères?

Mon ami Gringor dit quelque part : "Vous dansiez, mais... le bal champêtre allait mal à vos pieds mignons ; Le danseur fut envoyé... paître On vous vit fuir les lumignons... ce qui ne prouve pas sa documentation... ni la mienne. Et pourtant si je m'en réfère à ces cotillons menés par le poète Gringor et son ami Quiça, notre érudition exagère : Une dame (à Gringor). Et la Valse, Monsieur? Voici qu'on la demande. Un Monsieur (scandalisé). Eh quoi? Danser ici cette danse allemande? Gringor (indigné). Allemande, la Valse? Elle est française. La dame. ...Amen . Le Monsieur. Mais cependant Mozart, Haydn et Beethoven... Gringor (faisant signe à Quiça). Ce n'est pas l'Allemagne, au vrai, qui l'enfanta. Quiça (lisant un petit livre). "Valse », née en Provence et s'appelait Volta. Le Monsieur (surpris). Ah bah.! Quiça. C'était en l'an mil cent soixante seize... Gringor. Pour vieille qu'elle soit, la Valse est bien française".

Ceci vous laisse comprendre que Gringor aimait la valse. Je ne l'aime guère moins. Gringor et Quiça qui disputaient souvent, étaient d'accord sur la valse. Tous deux en étaient férus... Par elle, Gringor croyait monter vers son amie, la Lune... Par elle, Quiça prétendait réaliser de merveilleuses digestions. Il est vrai que c'était une gymnastique excellente ; on tournait bien... en sorte que jamais ça ne tournait mal! J'entends Gringor gémir : Tango ! Shimmy ! Fox-Trot ! Valse, tu te meurs Les danses d'à présent sont bien loin de tes mœurs !

NDLA : Petit malin qui profite de l'interview pour relancer un vieux débat : la valse est-elle Allemande ou bien vient-elle de la Volta Provençale ? Le débat est toujours d'actualité...

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Conclusion de Jose Germain

Mais parlons net. Les danses dites modernes ont une fâcheuse origine et la caque sent toujours le hareng, malgré les efforts des honorables professeurs G. Lefort, Raymond, Riester. Ce n'est pas de la danse; pas de style, dit Abel Hermant, qui se connaît en style.

Ces danses du bouge ne sont que des mouvements, nous a dit Ch. Dambrus.

Evidemment! du bouge, ne peuvent sortir que des bouge… ments...

A toutes les époques, après les grands fléaux, il y eut relâchement des mœurs; après les craquements tragiques, la vie reprend le dessus, nous ont à peu près dit Mgr Baudrillart, le R. P. Janvier, Gabriel Timmory, Paul Reboux, Maurice Level ; autrement dit, après les grandes secousses, la « petite secousse ».

Depuis ce temps presque lointain, nos professeurs français de danse et, en particulier, ceux dont j'ai parlé, ont fait un puissant effort vers la correction et vers le goût français. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et ne pas nous offrir du pur goût français?

Quant au bal pour le mariage, je ne le vois plus avec les danses d'aujourd'hui, et il m'apparait qu'installer la danseuse au « foyer », c'est très fortement s'exposer à ce qu'elle vous apprenne un jour « la danse devant le buffet ». On indiquait la valse aux obèses pour les faire maigrir, mais ce n'était pas de la même façon que ci-dessus. Car ces exotiques sont des danses chères.

Plus je danse les danses argentines et plus je suis désargenté, me disait un danseur « moderne ».

Paul Reboux me signalait cette dépense excessive généralisée qui engendrait le goût des affaires et le mercantilisme.

Toutes les danses françaises étaient des danses de tact; celles-ci sont des danses de contact. Les premières étaient danses de race; celles-ci sont danses de rastas; les unes étaient finement psychologiques, les autres sont implacablement physiologiques. « Ce n'est, dit Abel Hermant (ou plutôt, fait-il dire), qu'une différence de degré. » Oserais-je me souvenir qu'une différence d'un degré transforme en eau même un iceberg ? Ainsi va la correction dans ces danses dites modernes, il ne faut qu'une inappréciable différence pour tout changer.

Finissons-en. On m'a dit que le fox-trot est le pas du renard. Le renard est un malin qui sait fuir à temps. Eh bien, s'il en est temps encore, fox-trottons-nous !

NDLA : "La danse devant le buffet" : ou "fringaler" devant un buffet vide; sous-entendu la femme est partie danser ailleurs... Le jeu de mot entre les danses argentines et se retrouver désargenté, n'est pas si mauvais... quant à la "petite secousse", l'expression est ... mignonne. Enfin, mieux que la "bravitude", le "bougement"... ne manque pas d'audace. Conclusion générale en demi-teinte, même si elle reste dans l'ensemble, hostile à l'adoption des danses "nouvelles". Heureusement que le bon peuple n'a pas écouté ses "élites" !

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Conclusion de l'auteur de cette page : Dominique Lescarret

Cette suite d'interview illustre parfaitement les prolongations de la "guerre du tango' entamée aux alentours de 1913. Il faut resituer, pour comprendre l'outrance de certains propos, le contexte de l'époque : au lendemain de la grande guerre, coexistaient les survivants, marqués au fer dans leur corps et leur esprit, et toute une population qui s'enivrait du plaisir de la paix retrouvée. En outre, le manque d'hommes, du fait des massacres de la guerre des tranchées, rendaient les femmes plus audacieuses  à trouver un mari, qu'elles ne l'avaient jamais été auparavant. L'ambiance des dancings était assez chaude...

En dehors des propos pour ou contre la danse, ce texte est, en outre, fort intéressant en ce qui concerne les transformations apportées par les professeurs de danse français, au Tango d'origine : plus de "ventre-à-ventre", plus d'hommes "couchés" sur la cavalière, plus de guidage "par la jambe" entre celles de la danseuse, etc... Les positions se sont redressées, et quelque peu écartées : les prémisses du style "salon" se sont mises en place. C'est ce style qui ouvrira au Tango,  les portes des classes supérieures, aussi bien en Argentine, que partout dans le monde. Mais c'est le début d'une autre histoire...

Copyright 2011   Dominique LESCARRET

 

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