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L'Eglise et le Tango en construction

La presse et la guerre du Tango

Les principaux journaux de l'époque se firent l'écho des polémiques que l'arrivée du tango fit naitre dans la société française. Ci-dessous, différents articles émanant, essentiellement de la collection privée de l'auteur, Dominique Lescarret. D'autres références provenant du fond numérisé de la Bibliothèque Nationale de France, se trouvent à cette page : la presse tango

Le Matin :

Le Matin était un journal quotidien français créé en 1883 et disparu en 1944. Racheté par l'homme d'affaires sulfureux Maurice Bunau-Varilla, il fut l'un des quatre grands quotidiens dans les années 1910 et 1920, tirant un million d'exemplaires à la veille de 1914. Sa diffusion baissa à partir des années 1920, pour ne plus atteindre que 300 000 exemplaires à la fin des années 1930, tandis qu'il s'orienta vers l'extrême-droite, devenant collaborationniste sous Vichy. Il fut interdit de parution à la Libération. (d'après Wikipedia)

Le Petit Journal :

Le Petit Journal est un quotidien parisien, fondé par Moïse Polydore Millaud, qui a paru de 1863 à 1944. À la veille de la guerre de 1914-18, c'est l'un des quatre plus grands quotidiens français d’avant-guerre, avec Le Petit Parisien, Le Matin, et Le Journal. Il tire à un million d'exemplaires en 1890. (d'après Wikipedia)

Le Petit Parisien :

Le Petit Parisien est un ancien journal français qui a existé de 1876 à 1944 et fut l'un des principaux journaux sous la Troisième République. A la veille de la guerre de 1914-18, c'est l'un des quatre plus grands quotidiens français d’avant-guerre. Le journal est fondé par Louis Andrieux, député radical et procureur de la République, le 15 octobre 18761 avec Jules Roche, un ancien confrère d'Andrieu au barreau, comme rédacteur en chef. Le Petit Parisien à ses débuts est plutôt de tendance anticléricale et radicale (gauche). Il devient assez rapidement populaire.(d'après Wikipedia)

Le Figaro :

C'est le plus ancien journal français encore publié, et créé en 1826, sous Charles X, par Maurice Alhoy, chansonnier, et Etienne Arago, homme politique. C'est au départ un journal satirique, qui devient à partir de 1854, un journal littéraire et de la vie parisienne, sous l'impulsion d'Hyppolite de Villemessant. En 1897, le journal, pourtant de droite, s'illustrera en prenant la défense de Dreyfus, et c'est dans ses colonnes qu'Emile Zola publiera les trois articles qui précèderont le fameux "J'accuse..." publié, lui, dans l'Aurore. C'est un des titres majeurs en France, lors de l'arrivée du tango à Paris (d'après Wikipedia)

L'Aurore :

Créé en 1897, par Ernest Vaughan, ce journal devint célèbre pour avoir publié en janvier 1898 le fameux " J'accuse…! " de Zola, véritable début de l'Affaire Dreyfus. A noter que son équipe de réaction comprenait Georges Clemanceau parmi ses membres. L'Aurore disparut en 1914, victime de la guerre, comme de nombreux journeaux de l'époque.(d'après Wikipedia)

 

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3 Décembre 1913

Collection D.Lescarret

Version texte :

Pourquoi le Kaiser l'a interdit à tous les officiers

Le Daily Mail expliquant la cause de la décision prise par l'empereur l'Allemagne bannissant le tango des bals officiels et l'interdisant à ses officiers en tenue militaire, donne, d'après son correspondant de Berlin, cette version :

"Le Kaiser, ayant appris que sa bru, la princesse héritière, prenait régulièrement des leçons de tango, et apprenait aussi le "one step" et différentes danses ultra-modernes, sachant aussi que son fils, le konprinz, était un enthousiaste de ces danses, a tout simplement décidé d'interdire à tous les officiers le pas incriminé et il y a apposé le ban impérial.

La façon dont Berlin est affecté par cette interdiction peut être comprise par ce fait que, dernièrement, à l'occasion d'un dîner suivi de bal, donné par Mme Mary Portman, à Charlottenbourg, dîner auquel étaient invités les ambassadeurs d'Angleterre et des Etats-Unis, ainsi que de nombreux personnages officiels ou faisant partie de la haute société, le "tango" et le "one step" n'ont été permis et n'ont commencé que lorsque les "invités officiels" eurent pris congé.

L'empereur d'Allemagne qui, souvent, dans le concert européen a été "l'empêcheur de danser en rond", vient de jouer le même rôle parmi la société ; mais, cette fois, simplement pour prouver et conserver son autorité paternelle."

 

 

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4 Décembre 1913

Collection D.Lescarret

Version texte :

On a fait un cours de Tango aux gardiens de la paix de la ville allemande de Halle

Le préfet de police de Halle a fait réunir les gardiens de la paix dans la salle d'un des bals publics de la ville.

Les braves agents durent s'aligner et, dans l'attitude militaire, suivre avec attention un spectacle chorégraphique. Un maître de ballet avec une danseuse du théâtre, exécuta, devant eux plusieurs tours de tango, de "craquette", et d'autres danses excentriques exotiques.

Les agents avaient reçu l'ordre de surveiller chaque mouvement et chaque pas du couple, afin d'apprendre, non pas à danser, mais à savoir distinguer les danses excentriques.

Jusqu'ici, quand le gardien placé dans un bal public voulait intervenir, on lui répondait toujours : "Mais ce n'est pas du tango, c'est une polka que nous dansons !" et l'agent de l'autorité, vu son ignorance, laissait faire.

C'est pour éviter que la loi ne soit tournée de cette manière que le préfet a décidé de donner une leçon à ses agents, qui sauront dorénavant distinguer les danses prohibées, des danses autorisées.

Cliquez sur l'imagette à droitepour un affichage en grande format

 

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6 Décembre 1913

Collection D.Lescarret

Version texte :

Le roi d'Angleterre, lui aussi interdit le Tango

Une note officieuse qui vient de paraître dans le World fait savoir aux intéressés que le roi Georges a interdit de danser le Tango aux fêtes de la cour.

La reine approuve cette prohibition. Elle aime la danse, mais elle a une vive aversion pour les excentricités chorégraphiques actuellement en vogue. La souveraine s'est prononcée aussi contre la valse nouvelle manière et elle désire qu'on revienne aux saines traditions d'autrefois.

 

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14 Décembre 1913

Collection D.Lescarret

Version texte :

Les conséquences du Tango : New York, 13 Décembre

Dans la Dedical Review of Reviews, le Dr Fréderic Robinson vient de publier un réquisitoire très sévère contre le Tango et le "trot de la dinde".

" Par leur nom et par leur caractère, écrit-il, ces danses sont bestiales. Les médecins devraient donner des avertissements à leurs clients. Ils devraient aussi révéler au grand public les conséquences funestes au point de vue physique et psychique de ces danses, symptômes de dégénérescence."

 

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19 Décembre 1913

Collection D.Lescarret

Version texte :

Le Roi de Bavière s'est prononcé, à son tour, contre le tango

Le nouveau roi de Bavière s'est classé parmi ceux des souverains qui sont hostiles au tango.

Une circulaire confidentielle de son cabinet vient d'être envoyée aux chefs de troupes de l'armée bavaroise pour faire savoir que "Sa majesté verrait avec déplaisir des officiers prendre part à des soirées ou bals de réveillon, où l'on dansera le tango."

"Le roi, ajoute la circulaire, considère la participation à un divertissement pareil comme indigne d'un officier. les officiers doivent toujours penser à la dignité de leur situation sociale, même quand ils s'amusent."

 

 

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1 Janvier 1914

Collection D.Lescarret

Version texte :

L'Université de Philadelphie s'est prononcée, elle aussi, contre le Tango.

Sur la question du tango, tant controversée dans l'ancien et le nouveau monde, l'Université américaine vient de se prononcer à son tour.

Un avis du recteur, affiché au Smarthmore College de Philadelphie, interdit sévèrement aux étudiants et aux étudiantes de danser le tango.

Plusieurs de ces dernières qui, dans un bal de Noël, avaient exécuté la nouvelle danse, viennent d'être exclues de l'Université par le recteur. La mesure leur paraissant trop sévère, elles protestent vivement et leurs camarades masculins se joignent avec énergie à cette protestation.

Le conflit entre les étudiants et le recteur menace de prendre de plus grandes proportions. Dans tous les Etats-Unis, on le suit avec un vif intérêt et on se demande avec une certaine anxiété si le "droit au tango", réclamé par la jeunesse, sera accordé.

 

 

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11 Janvier 1914

Collection D.Lescarret

Version texte :

Le Cardinal Amette, Archevêque de Paris interdit le tango.

Dans la Semaine religieuse de Paris le prélat déclare cette danse "lascive et offensante pour la morale"

Nous avons dit que les évêques de Poitiers et de Châlons-sur-Marne avaient, en termes précis, condamné le tango : après eux les évêques d'Arras et de Dijon se sont prononcés énergiquement contre la danse sud-américaine dont la fortune a été si rapide et si extraordinaire que du music-hall elle avait gagné les salons, et qu'elle avait même fait l'objet d'un discours prononcé par M. Jean Richepin, sous la coupole de l'institut.

Aujourd'hui, Mgr Amette, cardinal-archevêque de Paris, condamne à son tour le tango.

Voici, en effet, ce que, dans sa partie officielle, publie la Semaine religieuse :

" A plusieurs reprises, dans Nos Congrès et par l'organe de Notre Comité diocésain, Nous avons recommandé aux fidèles de réagir énergiquement contre les modes indécentes et contre les danses inconvenantes. Les abus qui continuent Nous obligent à insister de nouveau sur ce grave devoir.

Nous rappelons à Nos diocésaines qu'elles doivent observer toujours dans la mise les règles de la modestie chrétienne, qui sont trop souvent violées. nous demandons aux femmes chrétiennes de se liguer pour abolir l'usage de certaines formes de vêtements contraires à la décence.

Nous condamnons la danse d'importation, connue sous le nom de TANGO, qui est de sa nature lascive et offensante pour la morale. Les personnes chrétiennes ne doivent, en conscience, y prendre part. Les confesseurs devront agir en conséquence dans l'administration du sacrement de Pénitence.

Léon-Adolphe, Card. Amette / archevêque de Paris " 

La condamnation, on le voit, est formelle.

 

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12 Janvier 1914

Collection D.Lescarret

Version texte :

Le Vatican approuve l'interdiction du "Tango"

Relevant les approbations données par le Popolo Romano aux avertissements contenus dans la Semaine religieuse de Paris, contre les danses et costumes inconvenants l'Osservatore Romano dit :

"Nous applaudissons aux paroles et aux vœux de notre confrère en associant notre voix aux protestations qui, de toutes parts, s'élèvent contre de telles indécences.".

 

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27 Janvier 1914

Collection D.Lescarret

Version texte :

Dansera-t-on le Tango à la Maison-Blanche ?

Le tango sera-t-il admis au premier bal officiel que le Président Wilson donnera dans quelques jours à la Maison-Blanche ?

Cette question préoccupe actuellement la haute société de Washington, et si elle se pose, c'est que l'on n'ignore pas que Mlles Wilson ne sont nullement hostiles au modernisme chorégraphique.

Elles exécutent avec beaucoup de grâce les danses excentriques et elles aiment particulièrement le tango. Au mariage de leur sœur, qui a été célébré à la Maison-Blanche, elles ont dansé le "Trot de la Dinde".

Mais on était alors à une fête d'un caractère plutôt intime et non à une soirée officielle comme le bal de la présidence.

 

 

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10 Février 1914

Source Gallica, Bibliothèque Nationale de France, numérisée

Version texte :

Le tango interdit.

On a vu successivement le kaiser, le pape et tout le haut clergé européen appartenant à plusieurs confessions sévir, chacun à sa manière, contre le tango. Il serait intéressant à ce sujet de constater dans quel ordre se sont produites ces interdictions et quelle est la manière de chacun.

Le kaiser, le premier, le plus audacieux, envoi un ordre formel à ses officiers et compte là-dessus pour entraîner l'élément civil. Le pape fait une interdiction aux catholiques, et pense par là atteindre la plus grande partie des mondains (politique que désavoue un professeur de tango qui fait un procès à un membre du haut clergé) ; les évêques se font montrer la danse par quelqu'un de leur entourage intime et en signalent avec plus ou moins de modération les accents indécents. Peut-être le simple curé de paroisse» plus indulgent, ne formule plus qu'un blâme adouci.

Mais quoi? Le tango n'est-il pas indécent?

Si fait ! Gardez-en vos filles ; mais gardez-les aussi du flirt et de cent libertés mondaines qui ont droit de salon. En vérité, la danse en elle-même, ce mouvement rythmique de deux corps appartenant à des Sexes différents, est ou peut être Indécente, pour peu que la puissance du rythme ne fasse pas assez oublier l'étrange situation où se trouvent les danseurs. Il y a la manière, comme en toute chose; et il est Vraiment impossible de déterminer le point où la danse cesse de pouvoir être tolérée. Cela dépend du sens individuel de chacun. Mais il est certain que deux phrases à mots plus ou moins couverts, dans un coin de salon, ont fait souvent plus de mal à une jeune fille qu'un tango consciencieux (c'est une danse difficile).

Puisque la manière est tout, c'est elle qu'il faudrait régir. Mais imagine-t-on dans toute réunion le délégué de l'Eglise ou du Kaiser ou de la République, observant si l'on reste bien en deçà du point réputé inconvenant ?

 

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11 Février 1914

Collection D.Lescarret

Version texte :

Pour remplacer le tango ... nous danserons bientôt la Fourlane et le Ta-Tao

Le tango se meurt... le tango est mort du coup de crosse que lui assena, de sa dextre gantée de soie pourpre, le cardinal-archevêque de Paris. Les salons aristocratiques, - proh ! pudor ! - l'ont déjà banni et, déjà la lassitude blasée des amateurs de danses nouvelles réclame autre chose. le Maxixe brésilien, la "très Moutarde" elle-même subissent le contrecoup de l'interdit jeté sur la danse des pampas. Que va-t-on faire ? Quel pas exotique va-t-on lancer, car il nous faut du nouveau, n'en fût-il plus au monde ! Voici le bref qu'à cette occasion lance le congrès - j'allais écrire le concile - des maîtres de danse : nous aurons, pour remplacer le Tango, la Fourlane et le Tao-Tao.

- Qu'est ce que la Fourlane ; d'où vient le Ta-Tao ? ai-je demandé à M.C.Lefort, président de l'Académie des maîtres de danse de Paris.

Elégant et svelte, dans son frac noir, ouvert sur un gilet de soie gris-argent, des perles à la chemise, une fleur à la boutonnière, M.C.Lefort leva vers le plafond de son cabinet une main longue, blanche et parla doctement.

- La Fourlane, dit-il, est une ancienne danse vénitienne que les maîtres à danser d'Italie viennent de de douer d'une vie nouvelle et qui connaîtra, croyez-le bien, un succès considérable. Elle rappelle la Tarentelle par ses mouvements gracieux et souples ; elle est vive, elle est légère, et, par dessus tout, elle est chaste, réservée, gracieuse... C'est une danse blanche.

Pour exécuter ses diverses figures, le cavalier n'enlace point sa compagne, ne la serre pas contre son corps... il lui prend les mains, tous deux joignent leurs doigts et esquissent avec grâce, une série de révérences... Avez-vous vu danser la pavane ? La Fourlane, si elle n'est sa sœur, est sûrement sa cousine !

- Et le Ta-Tao ?

- Le Ta-Tao est - comme son nom l'indique suffisamment - une danse chinoise, une danse sacrée. Nous l'avons un peu modifiée, modernisée, occidentalisée, car elle était faite surtout d'attitudes hiératiques assez peu en accord avec l'esprit contemporain. Elle est inspirée du mouvement de la mer, de la lente et souple cadence des vagues... Elle comprend six figures : la Cadencée, le Phénix, la Vague, l'Ensemble, la Grande Tournante, et la danse de l'Homme. c'est vous dire qu'elle est composée de lents mouvements, nobles, majestueux, réglés sur une musique inspirée de vieux airs chinois. C'est une danse de grand style, dans laquelle cavalier et danseuses sont éloignées l'un de l'autre, car ils se tiennent comme dans la Fourlane, par les mains...

- Et quand verrons-nous ces merveilles de votre Art ?

- Bientôt. Nous le ferons danser en public le dimanche et le lundi de Pâques... Ensuite nous le lancerons cet été, dans les casinos des plages à la mode : elles auront leur pleine vogue dans les salons parisiens, cet hiver.

- Et vous croyez à leur succès ?

- Succès mondain certes... ces danses nouvelles ne sont pas énervantes et lascives comme le Tango Argentin, ni... caractéristiques comme la "Très Moutarde". ce sont des danses convenables et contre lesquelles, en raison de leur décence, l'Eglise ne pourra pas brandir ses foudres.

- Je vous remercie, cher maître...

- Je suis votre serviteur, monsieur.

Et M. Lefort, svelte dans son frac noir, me salua d'une révérence, la dextre levée et le petit doigt en l'air...

Jean Claude

 

 

 

 

Copyright 2012   Dominique LESCARRET

 

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